lundi 30 mars 2015

le ballet des planètes version 2015

Sous la houlette de vénus les astres errants s'en donnent à cœur joie en 2015.
Une approche est contenue dans l'article daté 14/08/2014 et des explications des figures dans celui daté 05/05/2014.

Mercure, après son spectaculaire rapprochement d'avec vénus, intervenu au soir du 13 janvier, nous réserve encore ses soirées de fin avril-début mai ainsi que ses petits levers de fin juin-début juillet et surtout de mi octobre. On pourra en profiter pour l'apercevoir. La planète fêtera le nouvel an 2016 assez haut dans le ciel du soir, quarante minutes après le coucher du soleil, à 7.5°. Elle sera la seule planète visible.

Vénus qui monte dans le ciel du soir, a croisé mars le 20 février en compagnie du croissant de lune et du point gamma: belle et éclectique réunion!

20 février, dans le collimateur: à la fois, la lune, vénus, mars et le point gamma

Les 5 et 6 mai dans le ciel du soir mercure et vénus sont au plus haut l'un et l'autre, à 12.8° pour mercure et à 30° pour vénus, une demi heure après le coucher du soleil. Cette concomitance n'est due qu'au hasard. Mars est bas sur l'horizon, jupiter brille de tous ses feux.

6 mai le soir, premier rassemblement général (saturne et lune manquent)

Durant le premier semestre vénus reste très haute et se rapproche le premier juillet de jupiter en compagnie duquel elle fait alors un bout de chemin. En perspective seulement car jupiter est alors 12 fois plus loin de la terre que vénus. Leurs diamètres apparents sont alors équivalents car jupiter est environ 12 fois plus gros que vénus. Vénus est proche de son premier quartier.
Le premier juillet un petit instrument permettra de les surprendre ensemble à midi local.

1er juillet vénus et jupiter passent ensemble au méridien

A la mi-août vénus et jupiter traversent le soleil pour retrouver mars: d'astres du soir elles deviennent astres du matin. Au passage vénus a connu le statut de "nouvelle vénus" à l'imitation de la lune et elle est passée au plus près de la terre à 43 millions de km. Les trois stars, astres du matin en octobre, forment visuellement un trio serré.

Le 10 octobre la lune se joint à eux.
Le 16, mercure et vénus sont à nouveau à leur plus haut ensemble, à 11.2° pour mercure et à 35° pour vénus, une demi heure avant le lever du soleil.


10 octobre au matin, deuxième rassemblement général (sauf saturne)

A la fin d'octobre la conjonction vénus/mars/jupiter est très serrée, c'est la troisième en quatre mois entre vénus et jupiter. Vénus vient de passer à son dernier quartier.


26 octobre vénus et jupiter passent à nouveau ensemble au méridien

Le trio se sépare ensuite car vénus a rendez-vous avec saturne le 9 janvier 2016 au matin, après 14 mois de séparation...

dimanche 15 mars 2015

les phases de la lune en mars / avril 2015

5 mars 2015 18h05 UTC, pleine lune le jour du passage à l'apogée à 406.000 km
13 mars 17h48, dernier quartier, la lune à 382.000 km
20 mars, 9h36, nouvelle lune et ÉCLIPSE de soleil, la lune est à 358.800 km

La lune est passé la veille à son périgée et cela s'est produit à une distance proche du minimum absolu. Il en résulte que le diamètre apparent de la lune, 33,3', excède largement celui du soleil, 32,1', et que l'éclipse est totale si elle est observée depuis l'atlantique nord.

27 mars 7h43, premier quartier
4 avril 12h06, nouvelle lune, l'ombre de la terre éclipse la lune
Les phénomènes de libration modifient sensiblement l'aspect des cirques situés près du limbe comme Grimaldi, Pythagore ou Bailly.

jeudi 12 mars 2015

lune et sélénites

Astre de taille moyenne, tiraillé entre terre et soleil, la lune subit de la part de ce dernier une attraction supérieure au double de celle provenant de la terre et il en découle que sa trajectoire est toujours concave en direction du soleil. Aux environs de la pleine lune cette trajectoire est sensiblement un cercle de rayon voisin des 3/4 de la distance terre-soleil et aux environs de la nouvelle lune ce cercle atteint un rayon de 2,3 fois cette distance.

terre et lune lors d'une lunaison

Au dernier quartier la lune précède la terre au voisinage de l'écliptique et celle-ci qui voyage à la vitesse moyenne de 107.000 km/h va mettre 3h35 pour atteindre, à 384.400 km de là en moyenne, le point où se trouvait la lune. Sur son orbite autour de la terre la lune tourne à la vitesse de 3.700 km/h: il lui faut 27.32 jours pour en faire le tour et 29.53 jours pour retrouver la même position relative par rapport à la terre et au soleil.
La durée de la lunaison peut varier de 1%, soit 7 heures, autour de la valeur de 29.53 jours. Par contre, au bout de 12 lunaisons la variation globale ne dépasse pas une heure ce qui donne leur régularité aux calendriers lunaires. En fonction de la date du passage au périgée, deux demi-lunaisons successives peuvent présenter un écart entre elles de 40 heures soit 7%.

Le soleil remonte le ciel étoilé, d'ouest en est, de 0.986° par jour (360°/365.25) et la lune en moyenne de 12.6° par jour ce qui correspond à une valeur égale en une heure à son diamètre apparent de 0.5°. En un lieu donné la lune passe au méridien avec une avance de 50,5 minutes chaque jour. Une conséquence de ce mouvement rapide est qu'au cours d'une lunaison il n'y a pas de lever de lune lors du dernier quartier, car la lune s'est levée la veille peu avant minuit et se lèvera à nouveau 24h50 plus tard soit le lendemain. De la même façon, pas de coucher lors du premier quartier!
Autre conséquence de cette avance: le rythme de 12h55 pour les marées océaniques.

 
le 8 lever de la lune à 23h55

 
le 9 coucher de la lune à 12h19

 
le 10 lever de la lune à 0h43


Les rotations réciproques de la lune et de la terre ont pour effet que s'exercent des forces de gravitation périodiques sur leurs couches externes. Sur la lune ces forces ont abouti à bloquer la rotation par rapport à la terre: la lune la regarde fixement. Sur la terre l'effet est bien plus faible: écorce terrestre et niveau d'eau en pleine mer s'élèvent d'environ un mètre au passage de la lune (sur certaines côtes découpées et peu profondes le marnage peut atteindre 20 mètres). L'énergie ainsi dissipée lors du déplacement de masses considérables entraîne d'une part le ralentissement de la rotation terrestre (la durée du jour  augmente de 2 millisecondes par siècle) et d'autre part la fuite de la lune au rythme de 3.8 cm par an.

Le rapport des masses entre la lune et la terre est de 1/81 et le barycentre se trouve à 4.600 km du centre de la terre dans le plan de l'orbite de la lune et se déplace à l'intérieur de la terre. Le point neutre où les attractions de la lune et de la terre se neutralisent est situé depuis le centre de la terre à 9/10 de la distance terre-lune 

apogée et périgée de la lune (proportions respectées)

Les perturbations de l'orbite lunaire infligées par le soleil sont considérables. La distance terre-lune au périgée varie de 356.400 km à 370.400 km ce qui correspond à des excentricités de 0.073 et 0.037, presque la moitié! La variation de la distance à l'apogée est moindre: de 404.000 km à 406.700 km, ce qui correspond à des excentricités de 0.051 et 0.058. La vitesse angulaire de la lune au plus petit périgée dépasse de 30% celle au plus grand apogée. Le deuxième foyer de l'orbite est situé à une distance du centre de la terre qui varie de 28.000 km à 56.000 km (même ordre de grandeur que la distance du satellite géostationnaire).  
En simplifiant, l'orbite lunaire est une ellipse dont la distance apogée est presque constante à 405.000 km et dont la distance périgée se rétracte et se dilate de 7.000 km au rythme de 206 jours autour de la valeur moyenne de 363.000 km.


Devenons maintenant des sélénites en embarquant le 6 novembre 1967 sur la sonde lunaire américaine Surveyor 6...

L'alunissage en douceur se fait le 10 à très peu de distance du centre du disque lunaire, dans le golfe central (sinus medii), près des restes de Surveyor 4 qui s'y est écrasé quatre mois auparavant. A proximité se trouve le craterlet de 3 km de diamètre baptisé "oppolzer" en hommage au grand astronome et mathématicien autrichien du 19ème siècle qui a établi, avec les moyens rudimentaires de l'époque, un canon d'éclipses s'étendant de -1207 à 2161 et détaillant 13.200 éclipses.

le site d'alunissage de surveyor 6 au centre du disque (Legrand Chevalley)
 
Surveyor 6 photographié en 2010 au soleil couchant par l'orbiteur LRO

 
Surveyor 3, identique à Surveyor 6, visité en 1969 par P. Conrad d'Apollo 12


Et réveillons nous en mars 2015...

Le ciel est noir en permanence et les étoiles ne scintillent pas. La terre, toujours proche du zénith pour notre position centrale, est quatre fois plus grosse que le soleil.
Le soleil se lève à l'est lors du dernier quartier de terre, il avance d'un demi degré par heure, passe, 7 ou 8 jours après son lever, à midi, au "méridien" près de la nouvelle terre (qui est aussi la pleine lune des terriens) et se couche 7 à 8 jours plus tard à l'ouest au premier quartier de terre. Une journée lunaire dure un peu moins de 30 jours terrestres pendant lesquels les sélénites du golfe central voient la terre se balancer autour du zénith, leurs télescopes leur permettant de suivre l’alternance des jours et des nuits terrestres sur les continents et océans qui défilent trente fois.
La nuit lunaire reste lumineuse car éclairée par la terre dont l'albédo est le triple de celui de la lune. A la pleine terre, la surface du disque terrestre valant 13 fois celle du disque lunaire vu par les terriens, la lumière reçue par les sélénites est 40 fois plus forte. Au voisinage de la nouvelle terre se produit le phénomène de la lumière cendrée 4 fois plus intense que sur la terre.


La lune n'est pas la fille directe de la terre et elle a son quant à soi. Si la masse très supérieure de la terre la force à toujours la regarder de face, le plan de son orbite n'est pas confondu avec celui de la terre et son axe de rotation sur elle-même n'est perpendiculaire ni à son orbite ni à celui de la terre. Vue de la lune, la terre subit donc un léger déplacement nord/sud fonction de la position par rapport aux nœuds (la latitude). Le soleil aussi se déplace, comme sur la terre, mais ce phénomène des saisons n'a qu'une amplitude de 1,52° (23,4° sur la terre). Par ailleurs la loi des aires appliquée à la lune fait varier la vitesse, il se produit donc pour la terre un second déplacement est/ouest fonction de la position par rapport au périgée. Ces phénomènes sont appelés librations (libra : balance), ils permettent aux terriens d'observer environ 60% de la surface de la lune.

Les figures ci-dessous rendent compte de ce que voient les sélénites qui ont colonisé les abords de Surveyor 6,  pendant la lunaison qui commence le 27 mars 2015 et se termine le 25 avril 2015.
 
27 mars 2015 7h43, dernier quartier de la terre, le soleil se lève
 La face bleue de la terre est celle éclairée par le soleil. La ligne bleue est la trajectoire que va suivre la terre dans le ciel lunaire pendant la lunaison. La ligne en pointillé rouge est celle du soleil, l'espacement des points correspondant à une progression d'une heure.
2 avril 8h, la terre passe au méridien, très proche de l'apogée
4 avril 9h43, l'éclipse de soleil par la terre commence

Le 4 avril 2015 se produit pour les terriens une éclipse de lune. Elle correspond pour les sélénites à une éclipse de soleil. La nouvelle terre aura lieu à 12h06.

4 avril 14h21, l'éclipse de soleil prend fin
12 avril 3h44, premier quartier de la terre, le soleil se couche

17 avril 0h, la terre gibeuse passe au méridien, très proche du périgée
 
18 avril 18h57 c'est la pleine terre

25 avril 23h55, une nouvelle journée commence sur la lune

Cette journée lunaire aura duré 29.67 jours terrestres, 15 j et 20h pour le jour et 13 j et 20h pour la nuit.

24 avril 1967, éclipse du soleil par la terre, photographiée par Surveyor 3

Les figures ci-dessous représentent les trajectoires des centres de la terre et du soleil pendant un semestre. En bleu celles de la terre pour six journées lunaires et en rouge celles du soleil pour les 12 journées lunaires avec, pour chacune la date de midi.
L'espacement des points correspond à 6 heures pour la terre et à une heure pour le soleil.

01/01/2015 et premier semestre 2015
deuxième semestre et 31/12/2015
On a pu dire (Danjon) que ces courbes ont des points communs avec les courbes de Lissajous...

La libration en longitude dépend de la position du périgée. Il y a donc une corrélation avec la distance terre-lune.

valeur de la libration en longitude et distance terre-lune

Cette figure, où les proportions sont conservées, montre la courbe décrite par le centre de la terre par rapport à la lune, vue de l'infini en direction du pôle de la lune (cette courbe ne se déforme que très peu d'une année à l'autre).
La figure met bien en évidence la faible amplitude de la variation des valeurs des apogées et celle bien plus importante des périgées (5 fois plus). 
On constate que le centre de la terre ne pénètre pas dans une sorte d'ellipsoïde intérieur.
En 2015 le périgée minimum est obtenu le 28/09 et l'apogée maximum le 11/10.
La libration en latitude, liée à la position du nœud animé d'une révolution de période 27,21 jours, connait un rythme triennal puisque 40 révolutions draconitiques prennent 1088.49 jours, soit 3 années moins 7 jours seulement.

Le saisissant balancement de la lune peut être simulé par les terriens sur l'extraordinaire site "atlas virtuel de la lune" construit par Christian Legrand et Patrick Chevalley.

A quand l'organisation de séjours touristiques d'un mois pour profiter de ces spectacles?



mercredi 11 février 2015

le subtil mécanisme des éclipses de soleil en séries

La mécanique céleste organise, entre autres, les mouvements réciproques des trois corps que sont le soleil, la terre et la lune. L’âme en est la force de gravitation qui reste inexpliquée mais cette lacune n'empêche pas de comprendre les raisons qui donnent aux éclipses à la fois leur grande variété et leur régularité.

Fontenelle (1657-1757), Entretiens sur la pluralité des mondes, 1686, cité par Paul Couderc (1899-1981), in Les Éclipses, PUF 1971:
"Je suis fort étonnée, dit la marquise, qu'il y ait si peu de mystère aux éclipses...".

Et pourtant le premier mystère, ou plutôt la première coïncidence, est que, vus depuis la terre, soleil et lune ont à peu près le même diamètre apparent: la lune 400 fois plus petite que le soleil est 400 fois plus près de la terre. En fonction de la distance variable de la terre à la lune (de 56 à 63.8 rayons terrestres), le disque lunaire peut être légèrement plus grand ou légèrement plus petit que le disque solaire.

La lune est un satellite hors norme, sa masse très importante et l'inclinaison du plan de son orbite sur l'équateur terrestre permettent de considérer l'ensemble terre-lune plutôt comme une planète double. L'orbite de la lune autour de la terre est ainsi largement dépendante de l'attraction du soleil: c'est une sorte d'ellipse képlerienne dont le soleil fait varier à tout instant les caractéristiques autour de valeurs moyennes.

L'orbite géocentrique est une courbe gauche qui ne se referme pas.
Lors de la lunaison la force perturbatrice du soleil tend à réduire l'angle que fait le plan moyen de l'orbite de la lune avec l'écliptique, et ce n'est qu'au nœud que cet effet s'annule, l'angle valant alors 5.3°. Cette attraction du soleil influence encore la position des nœuds et d'autant plus qu'il en est plus éloigné: en moyenne, d'un passage de la lune à son nœud ascendant au suivant, en 27.21 jours, celui-ci a reculé de 1.44°. Ce nœud va donc à la rencontre du soleil et cette rencontre a lieu tous les 346.62 jours. On peut dire que, par rapport à la ligne des nœuds, le soleil se déplace de 360/346.62 = 1.0386° par jour.


Paul Couderc:"...un peu à la manière du fil de laine à la surface d'une pelote".

Il y a éclipse de soleil si la conjonction lune-soleil, la nouvelle lune, se produit à proximité d'un nœud.
Cette conjonction a lieu tous les 29.53 jours en moyenne. Compte tenu des diamètres apparents des deux astres, c'est pendant la période de 35 jours encadrant le nœud que l'éclipse intervient, lors de la nouvelle lune survenant pendant cette "saison d’éclipses". Ces 35 jours représentent 34.75° d'orbite.

L'ellipse osculatrice torturée.
(osculatrice = qui étreint au plus près l'orbite réelle à un instant donné).
L'astre prépondérant reste la terre et les lois de Kepler s'appliquent évidemment. La lune passe à son périgée moyen à un intervalle de 27.55 jours. La longitude de la lune obéit aux règles de l'équation du centre et dépend donc de la position du périgée et de la valeur de l'excentricité.
Mais la force perturbatrice du soleil fait varier ces deux paramètres.
Elle a pour effet d'imposer au périgée moyen un mouvement rapide de 40.7° par an (à titre de comparaison le périhélie de la terre ne décrit que 0.0033° par an).
Il en découle que tous les 103 jours environ le soleil se trouve dans la ligne d'un axe de l'ellipse osculatrice. Il est alors clair que la force perturbatrice va arrondir l'ellipse et retarder le périgée vrai si le soleil est aligné avec le petit axe, le contraire se passant lors de l'alignement avec le grand axe.


l'orbite de la lune déformée suivant la direction du soleil

Quand le soleil est aligné avec le grand axe (terre au jour 1 et terre au jour 206), l'excentricité est à son maximum de 0.065 et le périgée progresse de 0.33° par jour.
Par contre, lors de l'alignement avec le petit axe (terre au jour 103 et terre au jour 309), l'excentricité n'est plus que de 0.045 et le périgée recule de 0.22° par jour!
Quand on applique alors les formules classiques du calcul de l'équation du centre à cette ellipse déformable pour obtenir la longitude de la lune, on met en évidence une inégalité d'amplitude 1.27° et dont la période est égale à la somme algébrique:
longitude moyenne de la lune + longitude du périgée moyen - 2 fois la longitude moyenne du soleil, soit 31.8 jours.
Cela résulte directement de la mathématique de la mécanique céleste...
Cette inégalité est appelée évection par les astronomes.
Un autre effet de la force perturbatrice, la variation, est d'ovaliser globalement l'orbite en la dilatant perpendiculairement au rayon vecteur du soleil. Cette inégalité atteint une amplitude de 0.66° avec une période égale à la moitié de celle des phases lunaires, en particulier elle est nulle lors des nouvelles ou pleines lunes.
Les astronomes d'aujourd'hui ont répertorié plusieurs milliers d'inégalités de moindre effet.


La variété des éclipses provient encore de la capacité de la lune à cacher tout ou partie du disque solaire fonction de sa position sur son orbite à ce moment.
La trace sur la terre du pinceau d'ombre projeté par la lune est encore plus diversifiée du fait de la rotation terrestre et de l'inclinaison de l'axe de rotation sur l'écliptique (23.44°).

C'est donc assez compliqué mais il n'y a pas de mystère, encore qu'il n'est pas sûr que Fontenelle ait expliqué tout cela à la marquise de G***!

On constate que les éclipses se rassemblent sur 4 ans en fratries, qu'elles vivent en moyenne 1.300 ans, en se reproduisant tous les 6.585 jours, soit en moyenne 72 fois...

Le mystère s'épaissit!

Les suites courtes d'éclipses, les fratries, apparaissent ci-dessous pour la période 2014 à 2019.
En premier lieu les éclipses de soleil se produisant au nœud descendant:

avril 2014 dernière éclipse de la suite courte précédente
Cette éclipse a lieu après le nœud et assez loin de celui-ci, la prochaine éclipse à ce nœud se produira avant lui avec un mois d'avance.

mars 2015 première éclipse de la suite courte
mars 2016 deuxième éclipse
février 2017 troisième éclipse
février 2018 quatrième et dernière éclipse de la suite commençée en mars 2015
Comme celle d'avril 2014 cette éclipse a lieu loin du nœud descendant et la prochaine éclipse se produira avant lui avec un mois d'avance

janvier 2019 première éclipse de la suite suivante

Éclipses se produisant au nœud ascendant pour la même période 2014 à 2019:

octobre 2014 dernière éclipse de la suite précédente
Cette éclipse a lieu après le nœud et assez loin de celui-ci: la prochaine éclipse à ce nœud se produira avant lui.

septembre 2015 première éclipse de la suite
septembre 2016 deuxième éclipse

août 2017 troisième éclipse
juillet 2018: UN INTRUS!
Cette éclipse n'appartient pas à la suite en cours! C'est en réalité la première éclipse de la suite suivante qui intervient avant la fin de la suite en cours parce qu’elle a trouvé place avant le nœud!
Lors de cette saison d'éclipse il y aura donc 2 éclipses de soleil au nœud ascendant à un mois d'intervalle: il y a décrochage d'une lunaison.


août 2018 quatrième et dernière éclipse de la suite commencée en septembre 2015

En 12 lunaisons l'écart entre le soleil et le nœud augmente en moyenne de 12x29.53x1.0386 = 368.038° = 8.04°. Lors d'une série courte de 48 lunaisons l'amplitude atteint 32.15° ce qui est inférieur à la durée de la saison d'éclipses: il y a toujours 4 éclipses dans la suite. Mais à la lunaison précédente, la 47ème, l'écart était de 1.48° mais de l'autre coté du nœud et, selon la position initiale, il est possible qu'il se produise une éclipse en avance lors de cette 47ème lunaison.
C'est ce qui arrive en juillet 2018. La même chose était arrivé au même nœud en juillet 2000  et en juin/juillet 2011 au nœud descendant. L’occurrence du phénomène est en moyenne de 1 pour 13 passages à un nœud.

juillet 2019 deuxième éclipse de la série suivante
  
Le Saros est la périodicité qui permet de considérer une éclipse comme un phénomène qui nait, vit, se transforme et meurt!
En effet au bout de 6.585,32 jours les éclipses se reproduisent avec très peu de changement.
Le Saros compte presque exactement à la fois 223 lunaisons de 29.53 jours (6.585,32 jours), 242 mois d'éclipses de 27.21 jours (6.585.36 jours), 239 intervalles de passage de la lune au périgée moyen de 27.55 jours (6.585,54 jours) et enfin 18 intervalles de passage de la terre au périhélie de 365.2596 jours (6574.67 jours).
Il en découle qu'après un Saros, pour deux éclipses homologues, les valeurs moyennes des paramètres sont peu différentes ainsi que l'effet de la force perturbatrice du soleil: on peut considérer que la même éclipse revient presque identique à elle-même et qu'elle ne fait que se répéter au même nœud.

20 mars 2015 7h40

6585,35 jours après, 30 mars 2033 16h

Entre deux éclipses homologues il y a une légère évolution.

L'éclipse du 30 mars 2033, homologue de celle du 20 mars 2015, ne se produit pas après un nombre entier de jours ce qui a pour conséquence que l'impact sur la terre est déplacé de 0.35 jours, soit 126° vers l'ouest, de l'atlantique nord à l'Alaska.

Par ailleurs l'écart entre les 223 lunaisons (6.585,321 j) et les 242 mois d'éclipses (6.585,357 j) vaut 0.036 jours soit 52 minutes. Pendant ce temps supplémentaire la lune s'est écartée d'environ 0.4° du nœud descendant, sa latitude est donc légèrement plus élevée et l'impact sur la terre est décalé vers le nord. Ce temps supplémentaire et le décalage qui en résulte sont à la base de la notion de "suite longue" d'éclipses.

En moyenne, d'une éclipse à son homologue, la lune progresse par rapport au nœud descendant de 0.48° soit 28.6'. Or l'étendue maximale d'une saison d'éclipses est de 34.75°, on peut donc loger 34.75 / 0.48 = 72 fois le décalage moyen: voilà la suite longue d'éclipses se produisant de saros en saros au même nœud. La première des 72 est une éclipse partielle très faible car loin du nœud et concernant le pôle sud. Les éclipses suivantes augmentent de force, deviennent centrales en remontant vers l'équateur, puis sont à nouveau partielles et diminuent enfin pour ne concerner que le pôle nord et disparaître! Le processus dure en moyenne 72 saros c'est à dire environ 1.300 ans.
Il en est de même pour les suites longues se produisant au nœud ascendant, les éclipses commençant alors au pôle nord et se terminant au pôle sud.

Jean Meeus, éminent expert en la matière, signale ainsi (Éphémérides Astronomiques 2015 publiées par la Société Astronomique de France) que l'éclipse du 20 mars 2015 appartient, avec le numéro 60, à la suite longue qui a commencé le 27 mai 923 et qui finira le 7 juillet 2195 après 71 éclipses qui se répartissent pendant ces 1262 ans en 7 éclipses partielles intéressant l’hémisphère sud puis 55 éclipses totales et enfin 9 éclipses partielles concernant l'hémisphère nord.

Pendant la durée d'un saros il se produit 19 saisons d'éclipses de soleil à chaque nœud, ce qui génère en moyenne 21 éclipses et, à un instant donné, il y a donc 21 suites longues de chaque nœud en cours. On assiste donc à la mort et à la naissance d'une suite longue de chaque nœud à intervalles de 60 ans en moyenne.

Ces admirables mécanismes sont-ils le fruit du hasard ou la conséquence de la gravitation universelle?

Décidément, la marquise de G***  a du être incomplètement informée...

Theodor von Oppolzer (1841-1886) astronome autrichien, mathématicien exceptionnel, s'est adjoint une dizaine de calculateurs pour établir un canon d'éclipses couvrant la période allant de -1207 à 2161. Plus de 8.000 éclipses de soleil ont été ainsi calculées. Compte tenu des moyens de l'époque trois points seulement de la trace sur la terre de chaque éclipse purent être déterminés et c'est le cercle passant par ces trois points qui a été retenu comme trace complète.
Malheureusement Oppolzer n'a pas eu entre les mains l'édition de son œuvre, seulement les épreuves... sur son lit de mort! Son livre est paru en 1887.

Jean Meeus et ses collègues ont repris ces calculs en 1966 puis encore en 1983 et encore en 2006...

Oppolzer (1887) les éclipses de soleil 2008-2030
Meeus et collègues (1966) les mêmes éclipses