"La nuit dispensait ses trésors. Dans le ciel chaque étoile avait pris sa place avec la même exactitude que dans une carte sidérale.
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Dans le silence des arbres à peine distinct de celui des étoiles, ils vécurent une nuit du monde dans sa privauté sidérale et la révolution de la planète, son orbe enthousiasmante, parut gouverner l'harmonie de leurs gestes les plus familiers."Julien Gracq (1910-2007), Au château d'Argol, 1938.
On ne peut mieux définir le terme "sidéral": le temps sidéral n'est pas celui de l'homme mais celui de la terre sur son orbite parmi les étoiles.
Qui veut comprendre la marche des étoiles doit en devenir familier.
Plus prosaïquement le temps sidéral est le repère de la position du globe terrestre par rapport aux étoiles dans sa révolution autour du soleil. A tout moment il mesure en un lieu donné l'écart angulaire entre le méridien et la direction choisie comme origine par les astronomes. Cette direction est celle du point vernal, point dans l'espace où se croisent l'équateur céleste et l'écliptique: le soleil y passe le premier jour du printemps (d'où son nom car le terme latin pour cette saison est "ver").
On appelle aussi ce point le point gamma car le dessin de la troisième lettre de l'alphabet grec est le symbole de la constellation du bélier qui commençait avec le point vernal dans l'antiquité.
Le temps sidéral est donc un angle, compris entre 0° et 360°, mais compté en 24 heures par les astronomes, et c'est la raison pour laquelle on parle de temps et non pas d'angle.
En une journée de 24h le temps sidéral augmente d'un peu plus de 24h puisque la terre se déplaçant sur son orbite d'environ 1° (360°/365.256), elle doit rattraper ce décalage pour se retrouver en face du soleil. Chaque jour le temps sidéral augmente donc de 24h/365.256 soit 3m56s. Lorsqu'il dépasse 24 h on repart à zéro.
La référence en la matière est le temps sidéral de Greenwich qui est égal à 0h0m le 21 septembre 2015 à 12h TU (à cet instant à Greenwich le point vernal passe plein sud). Il vaut 6h le 22 décembre, 12h le 23 mars et 18h le 22 juin.
A quoi sert le temps sidéral?
De tout temps les astronomes ont cartographié le ciel en mesurant d'une part la distance angulaire de l'étoile au point gamma, c'est son ascension droite, RA en anglais, comptée en heures, et d'autre part sa déclinaison par rapport à l'équateur. Des catalogues de plus en plus complets ont ainsi été dressés.
Pour organiser l'observation d'un astre catalogué, même invisible à l’œil nu, il suffit donc de connaître le temps sidéral du lieu, TS, et d'en retrancher son ascension droite pour savoir de quel angle, AH, il faut tourner le télescope à partir du méridien: c'est la relation AH = TS - RA
Jusqu'à l'ordinateur c'était la seule méthode. Aujourd'hui ces calculs ont été rendus automatiques.
Le soleil peut indiquer le temps sidéral.
En effet, si son ascension droite n'est pas accessible directement, elle est reliée à sa déclinaison d par la relation sin(RA) = tan(d)/tan(obli) et sur un cadran solaire l'arc diurne décrit par le point solaire dépend de cette déclinaison et de l'angle horaire. En dessinant un tracé adapté on pourra donc faire désigner par le point solaire la valeur du temps sidéral.
La projection du grand cercle de l'écliptique sur le plan du cadran depuis le sommet du style est une droite qui passe par le point solaire et qui coupe l'équinoxiale du cadran au point gamma projeté (ou à son opposé). C'est ce point qui est l'indicateur du temps sidéral.
Pour construire la ligne sidérale il faut, par exemple, connaître un point et un angle.
Sur un cadran horizontal, pour chaque valeur du temps sidéral, l'angle cherché sera l'azimut des points de l'écliptique situés sur l'horizon et le point utile pourra être celui situé sur la ligne de midi où l'angle horaire est nul.
Tous calculs faits, l'azimut cherché A est donné par la formule: tan(A) = (cos(l).cos(obli)+sin(l).sin(obli).sin(TS))/(sin(obli).cos(TS)).
A midi, l'angle horaire est nul et le temps sidéral est égal à l'ascension droite du soleil qui se calcule par la formule rappelée ci-dessus. On a donc sin(TS) = tan(d)/tan(obli): à toute valeur du temps sidéral correspond une déclinaison. Il est facile de construire le point de la ligne de midi correspondant dont l'ordonnée est donnée par la formule classique y = L.cos(d)/cos(l-d) où L est la longueur du style polaire.
cadran horizontal de temps sidéral |
En vert la ligne sidérale, le temps sidéral indiqué par la position du point gamma sur l'équinoxiale est environ 20h20m.
Les lignes sidérales sont symétriques et tangentes aux hyperboles des arcs diurnes des solstices.
Elles se coupent sur les lignes horaires et demi-horaires et les arcs diurnes correspondants aux 12 heures sidérales rondes passent par leurs points d'intersection.
Ces arcs diurnes ne coïncident pas avec ceux figurant habituellement sur les cadrans solaires qui correspondent, eux, aux multiples de 30° de longitude et dont la déclinaison est donnée par la formule sin(d) = sin(obli)*sin(lon) au lieu, ici, de la formule tan(d) = sin(RA).tan(obli), longitude et ascension droite étant liées par la relation tan(RA) = cos(obli).tan(lon). - Ce sont là les arcanes de la trigonométrie sphérique -...
Le cadran horizontal est difficile à lire au voisinage du solstice d'été mais on peut lui adjoindre un cadran vertical pour pallier cet inconvénient.
Ce cadran, outre le temps sidéral, donne des renseignements sur l'écliptique dessiné en vert sur la figure. La ligne sidérale donne la direction du point de celui-ci qui se lève ou se couche. L'azimut du point gamma, situé sur la droite équinoxiale, est égal à l'angle que fait la droite joignant ce point au pied du style avec la ligne de midi. On peut ainsi placer à tout instant dans le ciel ce fameux point de l'équateur céleste qu'aucune étoile proche n'aide à localiser, à la différence du pôle nord.
Mais il faut encore prendre en compte que la terre obéit aux lois de Kepler et ne se meut pas régulièrement autour du soleil et encore que son orbite est de biais par rapport à l'équateur céleste. Le point solaire du cadran ne résulte donc pas d'un mouvement uniforme, le seul qui concerne les étoiles et l'écoulement du temps sidéral.
Par essence le cadran solaire de temps sidéral ne donne qu'un résultat brut faussé par l'équation du temps.
Un résultat correct sera obtenu en décalant le point solaire sur l'arc diurne de la valeur de l'équation du temps. C'est à partir de ce nouveau point imaginaire qu'il faut tirer la ligne sidérale.
Reste à savoir dans quel sens!
On a dessiné dans le haut de la figure ci-dessous la courbe indiquant la valeur de l'équation du temps, en rouge pour le semestre allant du solstice d'été au solstice d'hiver et en bleu pour l'autre semestre.
Par ailleurs on a dessiné en rouge les lignes 12h, 13h et14h de temps sidéral car elles ne concernent que le semestre rouge et en bleu les lignes 22h, 23h et 24h (ou 0h) qui ne concernent que le semestre bleu.
La ligne à tracer devra faire partie de la famille dont la couleur est celle du jour.
Il faudra alors retenir la graduation horaire de la bonne couleur sur la droite équinoxiale et interpoler le temps sidéral suivant la position du point gamma (ou de son opposé).
cadran rectifié avec équation du temps |
Avec la correction de l'équation du temps la nouvelle valeur du temps sidéral est 20h10m.
On a fait figurer en pointillé vert la projection du lieu du point culminant de l'écliptique appelé nonagésime puisqu'à 90° des points de l'écliptique qui se trouvent sur l'horizon. Ce point noté N décrit dans l'espace une courbe gauche et ses coordonnées LN et lN sont données par:
tan(LN) = (cos(obli).sin(TS)+sin(obli).tan(l))/cos(TS) et cos(lN) = cos(obli).sin(l)-sin(obli).cos(l).sin(TS).
Ces formules placent à tout instant le zodiaque dans le ciel et ont servi aux astrologues.
Paris, Lycée Louis Le Grand, la tour des cadrans |
dans la partie basse le cadran de temps sidéral |
Dans une note de 1991 publiée par la Société Astronomique de France, Madame A. Gotteland et G. Camus ont recalculé et redessiné le cadran.
Les auteurs précisent qu'il s'agirait là du seul cadran ancien de temps sidéral en France!