lundi 28 juillet 2014

sphères terrestre et céleste, armilles équatoriale et zodiacale, anneaux astronomiques...

Philippe Dutarte, in "Les instruments de l’astronomie ancienne",Vuibert 2006:
"On peut affirmer que Le traité de la Sphère fut le livre d'astronomie le plus populaire de tous les temps".
L'ouvrage de Dutarte est exceptionnel par le sujet, la qualité de l'analyse qui en est faite et celle de la documentation! L'auteur donne les précisions reprises ci-dessous.
Le best-seller écrit en 1230-1231 à Paris par Johannes de Sacro-bosco d'origine anglo-saxonne, (Holywood), a connu de multiples éditions pendant près de 400 ans. Le livre est une œuvre de compilation et de vulgarisation des connaissances acquises par les Anciens dont surtout Ptolémée.
Il présente les sphères célestes des planètes, celle des étoiles avec son mouvement de précession, celle de l'écliptique inclinée d'un peu plus de 23°. Il poursuit en décrivant l'équateur, les cercles des tropiques et polaires, donnant l'étymologie du terme septentrion (sept bœufs), arctique (proche des ourses, grande et petite) et zodiaque (là où se trouve la vie des planètes et où les constellations portent des noms d'animaux). Il mentionne l'équation du temps, explique les anciens "climats", divisions de la terre suivant l'ensoleillement le jour du solstice d'été. Puis est décrite la théorie de Ptolémée pour les planètes avec déférent, épicycle et équant. Pour la lune il est parlé de la tête et de la queue du Dragon "dévorant" le soleil ou la lune lors des éclipses.
 Que manque-t-il? Rien d'autre que Kepler...
 
le soleil et la lune sont présents sur cette sphère perfectionnée


























La demi sphère céleste de l'observateur terrestre le 23/10/2014 à 10h

L'écliptique est arrimé à l'équateur aux équinoxes et il tangente les cercles des tropiques lors des solstices. Les planètes n'en sont jamais très éloignées. Une saison correspond à un quart du cercle écliptique (ici une couleur par saison). Le pôle nord de l'écliptique décrit en un jour le cercle polaire arctique. Le 23 octobre, le soleil est au tiers de son parcours vers le solstice d'hiver. Les pointillés rouges représentent sa marche dans le ciel. La lune remonte le ciel à la vitesse de 13° par jour: dans quelques heures ce sera la nouvelle lune, en pleine saison d'éclipses!
En dessous de l'horizon que se passe-t-il?

La demi sphère cachée à l'observateur terrestre le 23/10/2014 à10h: sous ses pieds, le monde

Au même moment le soleil vient de se coucher à Tokyo et va se lever aux Açores. Aux îles Fidji, qui se trouvent presque sur le méridien origine de Greenwich, dans la zone tropicale sud, il était au zénith quelques heures plus tôt: c'est le printemps austral. Les habitants de Los Angeles dorment sur leurs deux oreilles. Combien sont-ils à se douter que le soleil va leur faire défaut le lendemain?
Sphères terrestre et céleste partagent en position les mêmes cercles: équateur, tropiques et cercles polaires.
Ces 5 cercles avec en plus l'horizon, le méridien local et l'écliptique, matérialisés par des anneaux de métal (armilla en latin), constituent la sphère armillaire ou armille, véritable modèle de l'univers. On y ajoute deux cercles : le colure des solstices qui passe à la fois par les pôles terrestres et écliptiques et fait ainsi le lien entre coordonnées équatoriales, ascension droite et déclinaison, et coordonnées écliptiques, longitude et latitude en jouant un rôle analogue à celui d'un engrenage et le colure des équinoxes qui est le méridien qui passe par ces points.
L'armille est un merveilleux instrument pédagogique mais elle sert aussi à mesurer les coordonnées des astres. Elle est dite zodiacale si l'on s'intéresse, comme Ptolémée qui travaillait pour les générations futures, aux coordonnées écliptiques qui présentent l'intérêt d'une grande simplicité dans la prise en compte de la précession: il faut alors ajouter deux cercles de visée tournant autour de l'axe écliptique, le premier permettant de caler l'écliptique sur le soleil ou une étoile de référence et le second qui porte deux pinnules servant à la visée de l'astre.


23/10/2014, 23h, visée de Deneb Kaïtos, la queue de la baleine, à partir d'Aldébaran, celle qui suit les Pléiades

Première étape: caler l'écliptique.
On commence par positionner le premier cercle rouge passant par les pôles écliptiques sur la graduation du cercle écliptique correspondant à la longitude de l'étoile Aldébaran connue par hypothèse. Puis on fait tourner l'ensemble jusqu'à obtenir que le rayon lumineux provenant d'Aldébaran soit tangent au plan du premier cercle rouge, le modèle est alors en concordance avec le ciel.
Deuxième étape: viser l'astre à mesurer.
On fait pivoter le second cercle rouge jusqu'à ce que le rayon lumineux provenant de Deneb Kaïtos soit tangent à son plan : on obtient ainsi sa longitude par rapport à Aldébaran. Puis on fait tourner la coulisse intérieure au deuxième cercle rouge, qui porte les pinnules, jusqu'à viser l'étoile: on obtient ainsi sa latitude.
Plus de 1000 étoiles ont ainsi été relevées par les Anciens. Et cette méthode aura cours jusqu'au XVI ème siècle avec Tycho Brahé (1546-1601), observateur hors pair.

fac-simile d'une sphère armillaire ancienne construit en 1998 par Martin Brunold (CH)

Sur le modèle de sphère dont Martin Brunold construit les répliques, il manque le cercle de l'équateur: elle est ainsi mieux lisible. La graduation horaire est alors portée par l'écliptique et il en découle que l'heure lue au droit du méridien doit être corrigée, avant toute autre considération, d'une réduction à l'équateur à l'envers. Pour cela le méridien porte, là où on lit l'heure, une graduation donnant le nombre de minutes à ajouter (au printemps et en automne) ou à retrancher (en été et en hiver) à l'heure écliptique pour avoir la valeur vraie de l'heure solaire. Ensuite l'heure lue est affectée de l'équation du temps suivant une graduation adjacente au calendrier écliptique.

La sphère armillaire dans son utilité la plus prosaïque donne l'heure à partir du soleil. Mais si c'est là le seul but recherché, point n'est besoin de tous les cercles. Il suffit du méridien, de l'équateur et d'un grand cercle tournant autour de l'axe des pôles: c'est l'anneau astronomique décrit par Gemma Frisius (1508-1555).
C'est un instrument universel, pliable et facilement transportable qui connut son heure de gloire au XVI ème siècle.
Un suspensoir réglable sur le méridien prend en compte la latitude du lieu, l’équateur est gradué en 24 heures et le grand cercle en 90 degrés de l'équateur aux pôles. A la graduation en degrés se surajoutent un calendrier permettant de placer les pinnules directement selon la déclinaison solaire ainsi que les repères d'un certain nombre d'étoiles de déclinaison connue. Ce dernier cercle comporte une circonférence intérieure coulissante  munie de deux pinnules que l'on positionne sur la valeur de la déclinaison de l'astre visé. On dirige alors l'instrument de façon que le rayon lumineux de l'astre traverse les pinnules: la graduation sur l'équateur donne l'angle horaire de l'astre.
S'il s'agit du soleil on a ainsi l'heure et le méridien indique la direction nord-sud: de jour l'anneau est aussi une boussole.
S'il s'agit d'une étoile, il faut encore déterminer la différence d'ascension droite entre l'étoile et le soleil ce qui s'obtient en utilisant deux graduations annexes portées sur le grand cercle d'une part et sur la circonférence intérieure coulissante d'autre part: la première présente les valeurs de l'ascension droite du soleil selon le calendrier et celles des étoiles fixes de référence, et la seconde, l'angle horaire de 0 à 24. On fait coïncider le repère de l'étoile sur le calendrier avec la graduation de son angle horaire et on lit l'angle horaire du soleil au droit de sa position sur le calendrier au jour de l'observation.


anneaux astronomiques 3 cercles type Frisius

L'anneau astronomique de Frisius découle directement de la sphère armillaire: il en est la quintessence.
Ce n'est pas le cas d'un autre anneau imaginé par William Oughtred (1574-1660).
Ce grand mathématicien anglais avait déjà élaboré le double cadran solaire stéréographique dit astrolabe horizontal permettant de s'affranchir du souci de l'orientation du cadran.
Le grand cercle mobile est ici remplacé par un axe nord-sud portant une plaquette orientable. Sur cette plaquette un œilleton mobile marque la déclinaison du soleil: on n'utilise plus le rayon solaire qui passe par le centre de l'objet mais son parallèle qui passe par cet œilleton et frappe directement le cercle de l'équateur à la marque de l'heure. L'instrument est plus simple mais manque de précision aux alentours des équinoxes, le soleil étant alors proche du plan du cercle équateur

anneaux astronomiques type Oughtred


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