mardi 23 février 2016

L'aube de la science dynamique: Kepler, Galilée, Huygens, Newton et...Voltaire

Galiléo Galilée (1564-1642) est l'inventeur de la science physique: il est le premier à se livrer à des expérimentations pour percer les mystères des phénomènes naturels qu'il constate autour de lui, et prouver les théories qu'il entrevoit.
Il est évidemment surtout connu pour son adhésion aux idées de Copernic sur l'héliocentrisme, pour leur propagation et finalement, en 1633,  pour sa rétractation devant le tribunal de l'Inquisition. Ses découvertes indiscutables des montagnes lunaires, des étoiles de la voie lactée, des satellites de Jupiter, des phases de Vénus, des taches solaires, n'empêchent pas qu'il ait du céder à l'obscurantisme.



Ses expériences sur la chute des corps établissent que, quels que soient leurs poids, des objets lâchés ensemble depuis un point haut, arrivent simultanément sur le sol.
Voilà qui est a priori étonnant: une grosse pierre ne va pas plus vite qu'une petite alors qu'elle pèse bien plus!
Il faut en conclure que les effets de l'attraction terrestre ne dépendent pas de la masse.
C'est d'ailleurs heureux car autrement tout corps se disloquerait à l'occasion de la moindre chute.

Mais les expériences sur la chute des corps prouvent aussi que ce mouvement est uniformément accéléré.

les lois de la chute des corps

A la fin de la première seconde de chute une distance de 15 pieds de Paris est parcourue.
Au bout de deux secondes la distance parcourue est de 60 pieds.
Et à la fin de la troisième seconde cette distance est de 135 pieds.
Un observateur avisé remarque alors que 60 est égal à 4 fois 15 ou encore au carré de 2 (i.e. 4) multiplié par 15 et que 135 est égal au carré de 3 (i.e. 9) multiplié par 15 alors que justement ces valeurs de la distance sont obtenues à la fin des secondes 2 et 3.
Conclusion: la distance parcourue lors d'une chute est proportionnelle au carré de sa durée.
Le coefficient de proportionnalité est constant et égal à 15 pieds par seconde et par seconde.

Par ailleurs, la vitesse moyenne par seconde est de 15 pieds par seconde pendant la première seconde, de 45 pendant la deuxième et de 75 pendant la troisième.
Notre observateur avisé note alors que 45 est égal à 15 plus 30 et que 75 est égal à 15 plus 2 fois 30.
Il en conclut que la vitesse moyenne augmente donc régulièrement de 30 pieds par seconde à chaque seconde à partir de la fin de la première. En extrapolant à des durées très petites il peut conclure que la vitesse instantanée est proportionnelle à la durée de la chute et que le coefficient de proportionnalité est constant et égal à 30 pieds par seconde et par seconde.
On appelle accélération cette augmentation de la vitesse.
Conclusion de Galilée: l'accélération de la pesanteur est uniforme et égale à 30 pieds par seconde et par seconde.
Le pied de Paris vaut 32.48 cm et il est ainsi établi que l'accélération vaut 9.74 m/s/s. On retrouve à peu de choses près la valeur moderne de "g" (g pour gravity): 9.81 m/s/s.
Les formules modernes sont v = g*t et z = (1/2)*g*t^2.
On définit alors la masse comme le rapport entre le poids d'un corps, mesuré sur une balance par exemple, et l'accélération terrestre:  poids = force = masse*g.
Ces principes relatifs à la chute des corps s'appliquent au pendule dont le "moteur" est aussi l'attraction terrestre. Lors de l'expédition organisée en 1672 à Cayenne en vue de déterminer la distance terre-soleil à l'occasion de l'opposition de la planète mars, Richer (1630-1696) a constaté que le pendule battait plus lentement à l'équateur, là ou se trouve le bourrelet équatorial de la terre dû à la force centrifuge. La conclusion fut que l'attraction terrestre et donc l'accélération variaient selon la distance au centre de la terre. On voit là la différence entre poids et masse, celui-là variant avec l'accélération et celle-ci restant invariable.

le pendule à joues cycloïdales

Christiaan Huygens (1629-1695) est l'astronome hollandais qui a conçu l'horloge à pendule, 20 fois plus précise que l'horloge à foliot.
Il a également étudié la force centripète qui s'exerce sur le fil retenant un corps posé sur une roue tournant autour d'un axe vertical et a montré que la force centripète est proportionnelle au carré de la vitesse linéaire tangentielle et inversement proportionnelle à la longueur du fil: F = k*(V^2/R).
Il a aussi remarqué que si on donne à la roue une vitesse telle que la force centripète, mesurée par un ressort étalonné par exemple, soit égale au poids du corps, alors la vitesse linéaire du corps est celle qu'il atteint après une chute de la moitié de la longueur du fil (cité par J.P. Verdet dans "Astronomie et Astrophysique" Textes Essentiels Larousse). Il a établi ainsi que le coefficient k n'est autre que la masse du corps.
En effet en éliminant le temps dans les formules de la chute des corps on trouve v^2 = 2*g*R/2, d'où F = m*g = k*(2*g*R/2)/R et k = m.
Huygens met ainsi au jour un lien essentiel entre gravité et force centripète mais ses convictions cartésiennes l'empêchent d'imaginer une action à distance, sans liaison matérielle entre deux corps, et il passe à coté de la gravitation universelle.

"sur" ou bien "de" ?
Pour René Descartes (1596-1650), en effet, le vide est inimaginable et ce sont des tourbillons de matière subtile qui poussent les planètes. Dieu et la métaphysique sont omniprésents dans son discours et ses solutions sont incompatibles avec les lois de Kepler, "ce qui relèguera la mécanique cartésienne dans les tiroirs de l'histoire, sinon dans ses poubelles". (J.P. Verdet opus cité).

Isaac Newton naît le 25 décembre 1642, en date julienne, car ce n'est qu'en 1752 que l’Angleterre, anglicane depuis 1534, appliquera la réforme grégorienne du calendrier. Il décède à 84 ans le 31 mars 1727.
Pour rappel la bulle papale "inter gravissimas" du pape Grégoire XIII en date du 24/02/1582 supprime pour l'avenir le caractère bissextil des années séculaires sauf pour celles dont le nombre de siècles est divisible par 4, et supprime 10 jours dans l'année 1582 pour rétablir le début du printemps au 21 mars, date arrêtée par le Concile de Nicée en 325. L'année compte ainsi 365.2425 jours. A Rome le lendemain du jeudi 4 octobre fut le vendredi 15. En Angleterre le lendemain du 2 septembre 1752 fut le 14 (onze jours au lieu de dix en raison du 29 février 1700).

A la naissance de Newton, Kepler est mort depuis douze ans, Galilée depuis un an, Huygens a douze ans et Descartes quarante-six.

"L'enfance de Newton a dû beaucoup peser sur son destin, et peut expliquer bien des traits de son comportement, dont certains étranges et insolites. Le drame s'est noué avant même sa naissance: son père, - paysan propriétaire aisé -, est mort quelques mois après les noces. Sa mère se remarie quand il a trois ans avec un pasteur veuf et riche qui a dépassé la soixantaine et veut bien de la femme, mais pas de l'enfant. Isaac entre trois et onze ans est élevé par sa grand mère maternelle...
Newton fut solitaire, renfermé, et même secret...
Il ne se laissa jamais distraire de sa grande distraction, le travail." (Gérard Simon, Mais qui donc était Newton?, Le Débat, mars 1983, Gallimard).

Il revient à Isaac Newton (1643-1727) de découvrir la loi de la gravitation universelle, universelle car elle explique aussi bien la chute des corps que le mouvement des planètes: c'est la clé de l'organisation des mondes.


Mais ses domaines d'étude ont aussi concerné l'optique: il a inventé en 1671 le télescope à réflexion sur un miroir concave, bien supérieur à la lunette de Galilée et dénué d'aberration chromatique, et il a expliqué la décomposition de la lumière l'attribuant non pas au verre du prisme mais bien au rayon lumineux lui-même. C'est lui qui a fixé les 7 couleurs du spectre (violaceus, indicus, caeruleus, viridis, flavus, aureus, ruber). En langage moderne le mot "orange", devenu commun, est préféré à "doré". Il se dit encore que la couleur indigo n'aurait été retenue que pour obtenir le nombre de 7 couleurs!



En mathématiques pures il a imaginé le calcul infinitésimal, se trouvant alors en concurrence avec d'autres mathématiciens ce qui aura pour conséquence des brouilles ou inimitiés avec le savant allemand Leibniz (1646-1716) et l'anglais Hooke (1635-1703).

Pour ses travaux sur la gravité Newton dispose des travaux de Kepler, Galilée et Huygens, il a l'intuition qu’une explication globale existe et c'est la lune qui va la lui donner.
Les projectiles tels que les boules des jeux de plein air ou les obus tirés par les canons finissent par tomber sur le sol: ils se comportent de façon analogue aux pommes qui, elles, tombent verticalement. La loi de la gravité gouverne le comportement des uns et des autres.
Pourquoi n'en serait-il pas de même de la lune qui ne fait que tomber sur la terre sans jamais l'atteindre en raison d'un équilibre des forces subies.
La masse de la lune est évidemment inconnue, mais sa distance moyenne à la terre, exprimée en rayons terrestres a pu être déterminée par trigonométrie: elle est égale à 60.3 rayons terrestres. Depuis les constatations de Richer, Newton sait que le poids varie selon la distance du corps au centre de la terre. Il va alors chercher à déterminer la loi de cette variation en appliquant les lois de la chute des corps à la lune.
On sait que sur la terre la distance parcourue par un corps en chute libre au cours de la première seconde est de 15 pieds. La distance parcourue par la lune pendant une seconde est l'écart entre sa distance à la terre et la position qu'elle aurait prise en l'absence de gravité, en continuant sa trajectoire tangentiellement.

la lune tombe de L' en L

La période de révolution sidérale de la lune étant de 27.322 jours la valeur de l'angle u décrit par la lune en une seconde vaut 360/(86'400*27.322) degrés, c'est à dire 0.0001525 degrés, soit 0.55 secondes d'arc. Elle est évidemment extrêmement petite.
La géométrie montre que la longueur du segment LL' exprimée en rayons terrestres est égale à 60.3((1-cos(u))/cos(u)). L'angle u étant très petit cela peut s'écrire 60.3(1-cos(u)).
Le calcul donne cos(u) = 0.99999999999649 et on obtient: LL' = 60.3*3.51*10^-12.
Il faut alors rapprocher cette valeur des 15 pieds constatés sur terre.
Pour plus de simplicité passons à un calcul mené avec les unités actuelles.
La longueur exprimée en millimètres de LL' est: 384'400'000'000*3.51*10^-12 soit 1.35 mm.
Sur terre on constatait une chute de 15 pieds en une seconde, soit 4.87 m, en réalité 4.905 m (9.81/2).
Le rapport de 4'905 à 1.35 est 3'633 dont la racine carrée est 60.3.
Or les distances des points de chute au centre de la terre, est de 384'400 km pour la lune et 6'378 km  pour la pomme (!), valeurs dont le rapport est précisément égal à 60.3!
Proportionnelle à la vitesse, l'accélération varie donc en fonction inverse du carré de la distance du corps attiré.
Cependant Newton s'est heurté à l'estimation erronée du rayon terrestre disponible à l'époque, il n'avait connaissance que d'une valeur sous-estimée de 15% et à la fin de ses calculs en 1666 il a du renoncer à son intuition.
En France l'abbé et astronome Jean Picard (1620-1671) est chargé en 1669 par l'Académie des Sciences de "mesurer la terre" c'est à dire de mesurer par arpentage et triangulation la longueur d'un trajet entre deux points séparés d'un degré de latitude. Le résultat paru en 1671 donna 111-112 km soit pour le rayon terrestre 6388 km.
Mais Newton n'a connaissance de cette nouvelle valeur qu'en 1684!
Il reprend ses calculs, constate la pertinence de son intuition, et en vérifie la concordance avec la troisième loi de Kepler qui énonce que le cube du grand axe  "a" est proportionnel au carré de la période de révolution "T" : a^3 = K*T^2. Les orbites des planètes sont très proches de cercles pour lesquels la vitesse linéaire vaut 2*pi*a/T. Depuis Huygens on sait que la force centripète s'écrit: F = m*v^2/a. D'où F = m*4*pi^2*a/T^2. Si cette force est inversement proportionnelle au carré de la distance on a:  m*4*pi^2*a/T^2 = k*m/a^2 ce qui donne:  a^3/T^2 = k/(4*pi^2).
Conclusion: loi de la gravitation et 3ème loi de Kepler sont une seule et même loi.

En 1687, avec l'aide sur le plan financier de Edmund Halley (1656-1742), il publie ses résultats.

copyright Alan Kubitz
Dès lors Newton est reconnu comme une sommité de la Science en Angleterre.
Mais ses découvertes ont du mal à traverser le Chanel car en France ce sont les principes de Descartes, mort depuis 37 ans, qui sont la loi.

C'est alors curieusement qu'intervient le philosophe des Lumières.

Voltaire (1694-1778) qui, à l’âge de 23 ans, avait été embastillé pendant onze mois sur ordre du Régent en 1717-1718, est menacé à nouveau de la Bastille à la suite de son algarade avec le chevalier de Rohan, qui l'a fait bastonner en janvier 1726 et dont il voudrait tirer vengeance. Il doit s'exiler et choisit l’Angleterre. Il assiste probablement le 8 avril 1727 aux obsèques solennelles de Newton à Westminster et fréquente les propagateurs de la doctrine newtonienne.
Le mathématicien français Pierre de Maupertuis (1698-1759), membre associé de la Royal Society, découvre cette doctrine lors d'un voyage à Londres en 1728 et en devient un ardent défenseur.
Un débat entre scientifiques s'ouvre alors sur la forme de la terre. Pour Cassini, fervent cartésien, la terre est "pointue" aux pôles alors que Newton déduit de sa théorie qu'elle doit être renflée à l'équateur.
L'Académie des Sciences organise alors en 1735 et 1736 une expédition en Laponie menée par Maupertuis et une autre au Pérou pour mesurer, comme l'avait fait Picard en 1671, la longueur d'un degré de latitude. La première expédition revenue en 1737 donne pour résultat une longueur par 66° de latitude de 57.438 toises alors que la mesure de Picard à 48° de latitude était de 57.060 toises (le résultat de l'expédition au Pérou ne sera connu, après bien des vicissitudes, qu'en 1744 et donne 56.749 toises). Maupertuis et Newton triomphent!
Voltaire peut écrire en 1738:
Héros de la Physique, argonautes nouveaux
Qui franchissez les monts, qui traversez les eaux,
Ramenez des climats soumis aux trois Couronnes
Vos perches, vos secteurs et surtout deux Lapones,
Vous avez confirmé dans ces lieux pleins d'ennui
Ce que Newton connut sans sortir de chez lui.

Voltaire, rentré en France en 1729, poursuit une carrière d'homme de lettres mais en 1734 sont publiées ses Lettres Philosophiques qui sont "un éloge de la liberté et de la tolérance anglaise perçu à Paris comme une attaque du gouvernement et de la religion".
Voltaire est menacé par une nouvelle lettre de cachet. Il se réfugie en Lorraine, duché hors du pouvoir royal, au château de Cirey qui appartient à la famille de Breteuil et précisément à Emilie du Châtelet marquise de Breteuil (1706-1749) que Voltaire a connu l'année précédente à Paris.
Émilie était une femme du monde, mais elle était surtout une femme de science, élève du mathématicien Maupertuis.
C'est à Cirey que Voltaire, guidé par Émilie (et Maupertuis ?), rédige ses Éléments de la philosophie de Newton, ouvrage publié en 1738 qui va enfin vulgariser en France les idées de Newton.

Voltaire inspiré par Newton grâce à la marquise du Châtelet
Pendant le séjour de Voltaire à Cirey, Émilie du Châtelet entreprend sur sa suggestion et avec l'appui de Maupertuis et Clairaut la traduction du latin en français du livre de Newton.
Mais s'étant entichée du marquis de Saint Lambert à la cour de Stanislas Leszczynski, roi détrôné de Pologne et beau-père de Louis XV depuis 1725, à Lunéville, la marquise décède en couches à l'âge de 42 ans en 1749. Voltaire part à la cour de Prusse.
Le livre d'Émilie du Châtelet sera publié par les soins de Voltaire en 1756, 69 ans après la parution des "Philosophiae Naturalis Principia Mathematica" à Londres.

Émilie du Châtelet

 Il faut attendre 1905 pour que cette dynamique soit précisée par la Relativité d'Einstein.

jeudi 11 février 2016

Zodiaque, planètes, lune, parallaxe, occultations...

Le Zodiaque est la ceinture céleste composée des constellations dont ne s'écartent que très peu les astres errants (les planètes) et la lune. Sa largeur est de l'ordre de 12°.
Les observations que l'on peut faire juste avant le lever du soleil et juste après son coucher, montrent que le soleil parcourt le cercle qui est au milieu de ce ruban. Ce cercle est désigné par l'appellation "écliptique" car il est aussi parcouru par les "dragons" qui déclenchent les éclipses de soleil et de lune...

copyright Larousse

L'étymologie du mot zodiaque suggère qu'il s'agit de constellations désignées par des noms de petits animaux ou simplement d'êtres vivants. Les Anciens ont constitué le zodiaque de façon progressive et pour arriver au chiffre symbolique de 12 on a séparé les pinces du scorpion du reste de l'animal pour former la balance.

Sunt Aries, Taurus, Gemini,
Cancer, Leo, Virgo,
Libraque, Scorpius, Arcitenes,
Caper, Amphora, Pisces


 Le zodiaque a ensuite été découpé et figé en douze parties égales de 30 degrés chacune pour servir à l'établissement des coordonnées célestes. L'instant de l'équinoxe de printemps, moment où le soleil reprend son ascension au dessus de l'équateur céleste est choisi comme origine: c'est le point vernal (ver est le mot latin qui désigne le printemps). Le signe du bélier commençant ce jour là, ce point porte aussi le nom de point gamma car cette lettre grecque ressemble au symbole de la constellation. Les anciens astronomes ont alors défini la position du soleil par le signe et le nombre de degrés depuis son début.

l'axe de rotation de la terre, ici désigné "axe de la sphère céleste", est incliné de 23.44° sur l'axe de l'écliptique

Compte tenu du mouvement de précession des équinoxes dont la cause est l'obliquité de l'axe des pôles sur l'écliptique et qui est induit par l'attraction de la lune et du soleil sur le renflement équatorial de la terre, le point gamma n'est pas fixe parmi les étoiles: il avance de 0.01397° par an et fait donc le tour complet de l'écliptique en 26000 ans. Depuis son invention il y a plus de 2000 ans, le zodiaque s'est donc décalé d'environ 30°, soit la valeur d'un signe. Le divorce est ainsi consommé entre astronomes et astrologues.
Il y a beaucoup d'astres dans cette ceinture zodiacale, d'abord le soleil et la lune, puis des étoiles, dont certaines de première grandeur: Aldébaran, Régulus, l’Épi et Antarès, d'autres étant regroupées spectaculairement comme les Pléiades, enfin les cinq planètes visibles à l’œil nu. On comprend donc qu' il puisse y avoir des occultations de certains astres par d'autres.
 
les planètes intérieures en 2016

La trace développée de l'écliptique sur le ciel présente une forme très proche d'une sinusoïde décomposée en 4 quarts égaux chacun à une saison.

les planètes extérieures en 2016


en gris les traces de la lune lors des lunaisons en 2016

La lune est ici notée en coordonnées géocentriques.
Les portions de courbe en rouge représentent la trace des nœuds de l'orbite lunaire au cours de l'année.
On constate que l’enveloppe des traces de la lune présente des ventres et des nœuds, les ventres se produisant aux alentours des dragons de l'orbite lunaire, là où le soleil a le plus d'action sur l'orbite.

En 2016 les déclinaisons de la lune restent faibles en valeur absolue parce que le nœud ascendant reste proche du point équinoxial à l'opposé du point gamma.
La situation était inversée en 2006: le nœud ascendant était proche du point gamma et les déclinaisons, en valeur absolue, étaient maximales, l'obliquité de l'orbite lunaire (5.16° en moyenne) venant s'ajouter à celle de l'écliptique (23.44°).

les traces de la lune lors des  lunaisons de 2006

 En effet les nœuds de l'orbite lunaire sont animés d'un mouvement rétrograde sur l'écliptique: ils font un tour complet en 18.6 ans. Il en résulte qu'en 2024 la situation sera analogue à celle de 2006.

les traces de la lune lors des lunaisons de 2024

 Selon la position relative des nœuds de l'orbite lunaire et du point gamma, la lune pourra occulter, ou bien les Pléiades (Alcyone), ou bien Aldébaran mais jamais l'ensemble la même année.

les traces de la lune lors des lunaisons de 2006 à 2024


Castor et Pollux échappent à la lune mais El Nath (bêta Taureau, anciennement gamma Cocher) peut être occultée pour certains points de la terre.

Il est donc clair que les occultations d'étoiles par la lune obéissent à des cycles dont l'un au moins reproduit celui des nœuds. Pour Aldébaran qui est à la limite du zodiaque, le cycle des nœuds est le seul à gouverner les occultations. En 2016 la lune occulte Aldébaran à chaque lunaison, soit à 13 reprises les 20/01, 16/02, 14/03, 14/04, 8/05, 4/06, 2/07, 29/07, 25/08, 21/09, 19/10, 15/11 et 13/12. C'était déjà le cas en 2015, depuis janvier et cela le sera encore en 2018 jusqu'en septembre. Ensuite il faudra attendre les années 2033 à 2037!
L'ascension droite d'Aldébaran au début de 2016 vaut 69.21° et sa déclinaison 16.54°. Le point de l'écliptique qui a la même ascension droite a pour déclinaison 22.06°. On constate que l'écart de déclinaison, 5.52°, dépasse de 0.24° l'inclinaison maximale de l'orbite lunaire qui est de 5.28°. La conclusion est qu'Aldébaran devrait échapper la plupart du temps à la lune en restant en dessous de celle-ci.
Mais ce serait ne pas compter sur la parallaxe! 
En langage courant l'erreur de parallaxe c'est quand on regarde de travers ou du coin de l’œil!
Ce terme est chéri par les astronomes qui lui ont donné plusieurs significations. 
La parallaxe d'une étoile est la différence entre les directions de cette étoile vue depuis le soleil et vue depuis la terre! Dans la pratique c'est la moitié de la différence des directions de l'étoile vue à six mois d'intervalle (on l'appelle la parallaxe annuelle!). Les astronomes parlent de l'angle sous lequel on verrait depuis l'étoile (sic) le demi-grand axe de l'orbite terrestre placé perpendiculairement et l'utilisent pour la mesure des distances des étoiles proches.
Pour un corps du système solaire la parallaxe est la différence entre les directions de ce corps vu depuis le centre de la terre et depuis un point d'observation sur la terre. Elle est donc fonction de la localisation sur terre de l'observateur et évolue avec l'angle horaire (on l'appelle la parallaxe diurne). Les astronomes parlent de l'angle sous lequel on verrait depuis ce corps (inaccessible!) le rayon terrestre joignant le centre de la terre au point d'observation . Si l'observateur voit le corps sur l'horizon terrestre on parle alors de parallaxe horizontale (sans rapport avec le plan horizontal!) et si l'observateur est, en plus, sur l'équateur on parle de parallaxe horizontale équatoriale dont la valeur est alors maximale pour un instant donné. 
Il y a évidemment une relation simple entre parallaxe horizontale équatoriale et distance: distance (en km) = 6378 / sin(parallaxe).
En raison de l'excentricité des orbites, la parallaxe horizontale équatoriale solaire varie entre 0.0025° et 0.0024° et la parallaxe horizontale équatoriale lunaire entre 1.024° et 0.898°. 
L'écart entre la déclinaison géocentrique (depuis le centre de la terre) et topocentrique (depuis le point d'observation) de la lune peut donc varier entre plus 1° et moins 1°.
Ces notions sont essentielles en matière d'occultation par la lune, du soleil, d'une planète ou d'une étoile parce que la lune est très proche de la terre comparativement à ces astres.

La trigonométrie sphérique montre que la variable prépondérante en la matière est la valeur de la latitude.
Pour un objet de déclinaison donnée, en un lieu de latitude élevée la déclinaison se trouve diminuée algébriquement et augmentée en un lieu de latitude négative.

aux latitudes élevées la correction de parallaxe diminue la déclinaison

C'est bien cet effet de parallaxe qui permet à certains observateurs bien placés sur la terre de voir la lune occulter Aldébaran: dans l’hémisphère nord la parallaxe lunaire vient au secours de la déclinaison insuffisante.

les lignes rouges encadrent la lune corrigée de la parallaxe pour une latitude allant de -70° à +70° au mois de janvier 2016
 La ligne rouge supérieure correspond au trajet de la lune en janvier 2016 vu depuis un lieu de latitude -70° et la ligne inférieure au trajet vu depuis la latitude +70°. On constate qu'Aldébaran est occulté pour l'hémisphère nord et que bêta Capricorne l'est pour l'hémisphère sud.

Une occultation d'étoile par la lune n'est vraiment spectaculaire que s'il fait nuit et à condition que la lune soit proche du premier quartier car alors l'étoile semble s’éteindre sans raison apparente au moment de l'immersion. Aldébaran est en conjonction avec le soleil le 31 mai et en opposition le 2 décembre. C'est donc pendant les mois de février et de mars que l'occultation est la plus intéressante. En janvier la lune est un peu trop vieille et en avril un peu trop jeune.
On peut observer l'émersion d'Aldébaran lors du dernier quartier en août et septembre: l'étoile s'allume alors soudainement.

l'âge de la lune au moment des occultations en 2016
Comme pour une éclipse il faut se trouver au bon endroit sur la terre pour observer une occultation.
Pour Aldébaran seul l'hémisphère nord peut être concerné.

16 février 2016 9h, l'"ombre" de la lune dans le pacifique
16 février 2016 carte de l'occultation, jour/nuit à 5h56 début de l'occultation
14 mars 2016 15h, l'"ombre" de la lune en Orient
14 mars 2016 carte de l'occultation, jour/nuit à 11h58 début de l'occultation
5 février 2017 22h40, l'"ombre" de la lune en Europe et en Afrique
5 février 2017 carte de l'occultation,  jour/nuit à 19h28 début de l'occultation
5 mars 2017 4h, l'"ombre" de la lune aux Etats-Unis
5 mars 2017 carte de l'occultation, jour/nuit à 0h53 début de l'occultation

Ces belles occultations de 2016 et 2017 font partie de la série qui a commencé en janvier 2015 et se terminera à l'été 2018.

15 juin 2015 peu après le début de la série 2015-2018 au pôle nord

19 avril 2018 peu avant la fin de la série 2015-2018 au pôle nord

Une série commence lorsque l'ascension droite du nœud ascendant s'établit à environ 180° (près de l’équinoxe d'automne) et se termine quand celle-ci décroît jusqu'à 130° environ, ce qui prend presque 3 ans. La série suivante commencera 18.6 ans après celle de 2015-2018, soit à l'été 2033.

Dans l'intervalle la lune s'en prendra à Régulus en 2017 puis 2026, à l’Épi en 2024 et 2025 puis en 2031 et 2032 et à Antarès de 2024 à 2028, pour ne parler que des étoiles de 1ère grandeur.

Les planètes ne sont évidemment pas à l'abri de la lune et il y a le long de l'écliptique beaucoup de mini-dragons qui les guettent.

lune et planètes extérieures en 2016
 Mars (en rouge) et saturne (en noir) conservent durant toute l'année 2016 des déclinaisons négatives et avec des valeurs inférieures à celles de la lune : elles ne craignent rien.
La déclinaison de jupiter d'abord positive et supérieure à celle de la lune devient négative à partir du 21/09 et inférieure à celle de la lune car cela se passe à proximité du nœud ascendant de l'orbite lunaire. Le croisement des orbites est inévitable et compte tenu de la faible vitesse du déplacement de jupiter la lune va l'occulter lors de 4 lunaisons successives: 09/07, 06/08, 02/09 et 30/09. Mais elles se produisent toutes en plein jour et hors de l'Europe.

lune et planètes intérieures en 2016
Vénus est dans la même situation que jupiter, sa déclinaison change de signe les 08/04 et 01/09 et son orbite croise celui de la lune près des nœuds lunaires. Il y a occultation les 6 avril et 3 septembre, mais les deux phénomènes se produisent en plein jour. L'occultation du 6 avril est observable en Afrique du nord, en Europe du sud puis en Sibérie. Mais la lune n'est qu'à 28h de la nouvelle lune et se trouve très près du soleil (16°). Par sécurité le phénomène ne doit donc pas être observé aux jumelles.
6 avril 2016 la lune occulte vénus à Sion de 7h17 à 8h12 UTC

La trajectoire de mercure fait un "S" entre fin avril (sa latitude est de +2.9° le 22/04) et fin mai (sa latitude est de -3.8° le 31 mai). Le 9 mai elle traverse l'écliptique à son nœud descendant alors que le soleil s'y trouve aussi: il y a passage de mercure devant le soleil de 11h12 à 18h42.
Mais début juin, sur sa lancée, mercure vient empiéter sur le terrain de la lune et c'est l’occultation le 3 juin.
La boucle suivante de la trajectoire de mercure se produit en août et septembre près du nœud lunaire. A cette occasion la lune occulte deux fois la planète, les 4/08 et 29/09.
Ces trois occultations se produisent en plein jour dans les quarantièmes rugissants.

copyright Johannes Schedler

Les astres émaillaient le ciel profond et sombre;
 Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

 immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,
quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été
avait, en s'en allant, négligemment jeté
cette faucille d'or dans le champ des étoiles.
 
Victor Hugo, La légende des siècles, Booz endormi