samedi 17 mai 2014

jupiter et ses satellites galiléens

Galilée (1564-1642), dès 1609 a eu, le premier, l'idée de tourner vers le ciel nocturne l'une de ces lunettes d'approche qui commençaient à circuler et étaient considérées comme une sorte de jeu, un gadget avant l'heure. Il a ainsi lancé l'observation instrumentale et a fait une moisson extraordinaire.
La lunette initiale avec un oculaire constitué d'une lentille divergente donnait une image droite mais ne permettait pas un grossissement important. Kepler, dont l'expertise en matière d'optique était reconnue, sut la modifier. Il remplaça l'oculaire divergent par une lentille convergente: le grossissement devenait important... mais l'image était renversée. La lunette était devenue un instrument scientifique.
Galilée découvre les gardes du corps de jupiter, les oreilles de saturne, les cornes de vénus, les montagnes de la lune, les taches sur le soleil, la nature de la voie lactée...

Les gardes du corps de jupiter sont vite transformés en conquêtes du roi des dieux: Io, Europe, Ganymède (le plus beau des mortels!) et Callisto.


17 mai 2014 22h UT Jupiter et les satellites galiléens vus de la terre
17 mai 2014 22h UT les mêmes "du point de vue de Sirius"




















Le 17 mai 2014 vers 22UT, vu depuis la terre, Io passe sur le disque de jupiter (petit disque clair) et en même temps projette son ombre un peu à gauche. Callisto projette aussi son ombre mais un peu plus bas en raison de l'angle que fait le plan équatorial du système jovien avec l'écliptique.
Depuis juillet 2013, et pour 3 ans encore, Callisto, vu de la terre, passe sur le disque de jupiter et dans son ombre à chaque révolution. A partir de juillet 2016, son éloignement de la planète, l'inclinaison du plan équatorial et la position relative de la terre et de jupiter le feront échapper à ces phénomènes car il passera au dessus ou au dessous. Ensuite ces phénomènes vont reprendre.

18 mai 2014 17hUT Europe est occulté, Io va l'être
18 mai 2014 20hUT Europe, Io et Ganymède en quadrature

On peut parler de système jovien comme on parle de système solaire. Parmi les satellites galiléens les trois premiers présentent des caractéristiques extraordinaires. La période de Io est le double de celle d'Europe qui est elle-même le double de celle de Ganymède. D'après la troisième loi de Kepler, le cube du demi grand axe est proportionnel au carré de la période. Il en résulte que le cube du demi grand axe d'Europe vaut 4 fois celui de Io. La racine cubique de 4 étant 1.5874, la séquence 4, 2, 1 pour les périodes conduit à la séquence 1, 1.59, 2.53 pour les grands axes.
De plus, ces trois corps sont en résonance et leurs longitudes jovicentriques satisfont à la relation suivante: la somme de l'écart de longitude entre Io et Europe et du double de l'écart entre Ganymède et Europe est toujours égale à 180°. C'est ainsi que le 18 mai 2014, lorsque Io et Europe sont en conjonction, Ganymède est à la quadrature.
Laplace (1749-1827) a démontré que cette résonance est un état stable.
La masse propre d'un satellite n'intervient que très peu dans son mouvement autour d'un centre très massif. Mais entre les trois premiers satellites de jupiter les perturbations réciproques sont considérables car leur masses sont du même ordre de grandeur: la séquence est 1, 0.54, 1.68.
Le rapport de la masse au grand axe donne la séquence 1, 0.34, 0.66 ce qui signifie que l'énergie potentielle de Io est égale à la somme des énergies potentielles de ses 2 collègues réparties elles-mêmes en un tiers, deux tiers.
Cette organisation de 3 mobiles soumis à la gravitation autour d'un centre ne peut relever du hasard. Tient-elle à la proximité des orbites, à la puissance de l'attraction de jupiter...Pourquoi Callisto n'est-est-il pas concerné par ce phénomène?
Kepler a recherché éperdument, jusque dans les règles de l'harmonie musicale, la clef de l'organisation du système solaire. Qu'aurait-il pensé du système jovien?
La troisième loi de Kepler a été précisée et généralisée par Newton (1643-1727) qui a montré que le coefficient de proportionnalité entre cube du demi grand axe et carré de la période était un multiple des masses additionnées des deux corps.
Avec jupiter on dispose donc d'un ensemble à deux étages: la planète gravite autour du soleil et les galiléens autour de la planète. Ceci permet de calculer la masse de jupiter en fonction de celle du soleil puisque sa valeur figure dans deux relations indépendantes (à la masse près du galiléen qui, relativement, est très faible). On trouve que la masse du soleil vaut 1047 fois celle de jupiter. En appliquant cette méthode au satellite synchrone de la terre (géostationnaire) on trouve que la masse du soleil vaut 332.900 fois celle de la terre.
La masse de jupiter est donc 318 fois celle de la terre et son attraction sur ses satellites 318 fois plus forte. C'est ce qui explique que Io situé à peu près aussi loin du centre de jupiter, 421.000 km, que la lune ne l'est du centre de la terre, 384.000 km, tourne bien plus vite: 1.77 jours au lieu de 27.3 jours, soit 15 fois plus vite. Si la masse de la lune était négligeable par rapport à celle de la terre et si les demi grands axes étaient vraiment égaux la proportion calculée selon la loi de la gravitation serait égale à la racine carrée de 318 soit 17.8.

Io et Europe sont tellement rapides sur leurs orbites que leurs trajectoires rapportées au système solaire présentent une boucle pour Io et un point de rebroussement pour Europe. La trajectoire de Ganymède est plus classique mais encore très éloignée de celle de la lune qui, elle, est toujours concave vers le soleil.

trajectoires héliocentriques de Io, Europe, Ganymède (soleil vers le haut)
 2/3 de tour pour Io, 1/3 pour Europe, 1/6 pour Ganymède en conjonction


1 tour pour Io, 1/2 pour Europe en conjonction, 1/4 pour Ganymède
4/3 tour pour Io, 2/3 pour Europe, 1/3 pour Ganymède en conjonction
2 tours pour Io, 1 pour Europe, 1/2 pour Ganymède en conjonction
4 tours pour Io, 2 pour Europe, 1 pour Ganymède: retour à la case départ

Lorsque Io et Ganymède sont en opposition ou en conjonction, Europe précède ou suit Io de 60°.

Galilée a eu rapidement l'idée d'utiliser les éphémérides de ses satellites, notamment leurs éclipses et occultations, pour résoudre le "problème de la longitude" car il y avait bien là une horloge sans faille permettant de calculer l'écart de temps avec le midi local.  La méthode fut appliquée avec succès sur terre, mais pas depuis le pont d'un navire où elle restait hasardeuse, et elle a notamment permis aux savants et ingénieurs de l'Académie Royale des Sciences ,fondée en 1666 par Colbert (1619-1683), d'établir les bases de la future carte de France dite carte de Cassini.

C'est en 1676, en contrôlant les éphémérides calculés par J.D. Cassini (1625-1712), que l'astronome danois Ole Roemer (1644-1710) mit en évidence un décalage systématique entre les tables qui prenaient pour hypothèse une parfaite régularité et certaines observations. Il remarqua qu'aux environs de l'opposition de Jupiter, les éclipses des satellites se produisaient avec une avance d'une dizaine de minutes sur les tables alors qu'aux environs de la conjonction, elles étaient en retard de la même durée. Il eut l'idée d'imputer ces décalages au temps mis par la lumière pour franchir le différentiel de la distance terre-jupiter entre opposition et conjonction. Le calcul donne: 2 UA en 20 minutes, soit 300 millions de km en 1200 secondes, soit 250.000 km/s.
Le véritable décalage est égal à 16.6 minutes, ce qui met le soleil à 8.33 minute-lumière de la terre.



1693: des satellites de jupiter à la carte de France (source gallica-wikipédia)







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