loxodromie: va en oblique
orthodromie: va tout droit
Pour dessiner un planisphère, la projection de Mercator (1512-1594) reste une bonne solution, assez facile à mettre en œuvre, mais avec l'inconvénient que les hautes latitudes sont fortement dilatées.
Les loxodromies sont des droites et les grands cercles des courbes très proches de la sinusoïde et que l'on peut construire par points.
L'un de ces grands cercles est le terminateur qui sépare sur la terre le jour de la nuit.
Sa représentation chez Mercator varie suivant la saison puisqu'elle connait son maximum d'aplatissement aux solstices alors qu'aux équinoxes elle est réduite à deux segments verticaux. Cette ligne de partage est dessinée en rouge dans les figures suivantes.
au début de l'hiver la durée de la nuit dépasse celle du jour pour l'hémisphère nord |
au voisinage de l'équinoxe il y a une quasi égalité |
à la fin du printemps les durées sont inversées |
Au temps de Mercator, le méridien origine était celui du lieu où coïncidaient nord magnétique et nord géographique: au Cap Verd. Le roi Louis XIII, en 1634, avait imposé comme méridien origine celui qui passe à 20° à l'ouest de Paris à l'île de Fer aux Canaries.
La conférence de Washington d'octobre 1884, a décidé, en raison de la suprématie maritime britannique et au grand dam de la France, que le méridien de référence pour l'heure universelle serait celui de Greenwich où se trouve l'observatoire de Londres. En échange de la capitulation française, le Royaume Uni devait se rallier au système métrique mis au point par les savants français en 1799, promesse que la perfide Albion n'a pas tenue...
L'heure GMT (Greenwich Mean Time) et le temps universel (TU) ont cédé la place en 1988 au temps UTC (Temps universel coordonné).
loxodromies, orthodromies, heures solaires mondiales |
Les dessins des grands cercles ressemblent à celui du terminateur. Ils sont plus ou moins dilatés suivant l'importance de la différence de latitude entre l'origine et la destination. Contrairement à ce qu'on lit sur la figure ces arcs de grand cercle représentent des trajets plus courts que les segments de loxodromie!
Le planisphère montre que pour aller de Londres à Wellington (Nouvelle Zélande) il vaut mieux passer par Tokyo. Par contre pour revenir en Europe les itinéraires les plus économiques seront différents si la destination est Rome ou Madrid: pour Rome mieux vaut passer par Singapour alors que pour Madrid il vaut mieux survoler Kampala en Ouganda. Tout cela, bien sûr, sans tenir compte de considérations géopolitiques.
Pour Papeete le mieux est de survoler Los Angeles.
De Londres à New York la différence de distance entre loxodromie (segment en bleu) et orthodromie (arc en vert) atteint 230 km. Cela représente 4% de la distance totale. Au temps du ruban bleu les navires pouvaient donc gagner 4 heures sur les 100 h du voyage. Mais, et c'est la rançon du gain de temps, il faut passer plus au nord que la loxodromie.
Lors de la première traversée du Titanic, en avril 1912, le commandant Edward Smith (1850-1912) a suivi une route qui passe plus au sud, même, que la loxodromie, de façon à éviter les nombreux icebergs qui, ce printemps là, descendaient anormalement vers le sud. Ni lui, ni la White Star Line ne peuvent être taxés d'avoir voulu à tout prix gagner le ruban bleu à la première traversée. L'hiver 1911-1912 avait été particulièrement long et rigoureux en Amérique du Nord et cette vague de froid exceptionnelle pourrait avoir sa part dans l'explication du naufrage du 14 avril 1912 qui fit 1500 noyés (le lieu du naufrage est dessiné sur le planisphère ci dessus).
La géométrie sphérique règlemente l'orthodromie.
La distance angulaire entre deux points de coordonnées (lon1, lat1) et (lon2, lat2) est donnée par la formule classique:
cos(distance) = sin(lat1)sin(lat2)+cos(lat1)cos(lat2)cos(lon2-lon1)
Le cap à suivre au départ, cap0, est donné par:
tan(cap0) = sin(lon2-lon1)/(tan(lat2)cos(lat1)-sin(lat1)cos(lon2-lon1))
et aussi par: sin(cap0) = cos(lat2)sin(lon2-lon1)/sin(distance)
Il en découle que pour toute destination se trouvant dans l'hémisphère défini par le plan passant par le point de départ et perpendiculaire au méridien du lieu, et par le pôle nord (pour un départ depuis l'hémisphère nord) la direction de départ est tournée vers le nord. Pour tout point du grand cercle intersection de la sphère et du plan ci-dessus, et notamment pour les antipodes, le cap de départ vaut 90°.
en bleu la loxodromie, en vert l'orthodromie |
La caractéristique essentielle d'une orthodromie est le vertex c'est à dire le point de plus forte latitude de l'itinéraire. Les coordonnées de ce point, lonV et latV, sont données par:
tan(lonV-lon1) = 1/(tan(cap0)sin(lat1))
cos(latV) = cos(lat1)sin(cap0)
L'équation du grand cercle est, lonA et latA étant les coordonnées du point courant:
tan(latA) = tan(latV).cos(lonA-lonV).
Le cap à suivre au point A est donné par capA = pi - arcsin(cos(latV)/cos(latA)).
On a la relation: sin(capA).cos(latA) = cos(latV) = constante.
Il en résulte qu'en tout point de l'itinéraire, si l'on connait la latitude, le cap à suivre s'en déduit automatiquement.
Avant la mise au point du pilote automatique on a pratiqué la navigation à l'estime. Le terme 'estime' n'a ici rien à voir avec la pratique de la vue de nez ou du doigt mouillé, quoi qu'en disent trop d'auteurs! La technique de l'estime a des bases mathématiques.
Elle permet de calculer une approximation d'une position à partir de la précédente et de la connaissance du chemin parcouru S et de l'angle de route R.
On a recours à l'équation de la loxodromie qui s'écrit: lon2 - lon1 = (lac2 -lac1).tan(R) où lac est la latitude croissante (voir article du mois précédent intitulé 'de la boussole au logarithme: la loxodromie').
L'approximation consiste à remplacer le facteur (lac2 - lac1) par sa dérivée. En appelant lam la moyenne de lat1 et lat2 cette dérivée s'écrit (lat2-lat1)/cos(lam).
Pour la latitude on retient l’approximation: lat2 - lat1 = S.cos(R).
On obtient alors: lon2 = lon1 + S.sin(R)/cos(lam).
Ce sont là les formules de la navigation à l'estime, valables tant que le chemin parcouru reste faible.
Elles semblent avoir été utilisées de façon empirique dès le moyen âge.
Les cartes utilisables en mer sont des projections de Mercator sur lesquelles ne peuvent figurer les orthodromies.
L’Ingénieur Général Hydrographe de la Marine Alexandre-Pierre Givry (1785-1867) a mis au point une technique pour tracer facilement sur une carte de Mercator une orthodromie approchée, joignant deux points pas trop espacés.
Givry assimile l'arc d’orthodromie dessiné sur la carte Mercator à un arc de cercle. En développant la formule des sinus qui veut que le rapport des sinus des angles de route orthodromique au départ et à l'arrivée soit égal à l'inverse du rapport des cosinus des latitudes, on peut, à l'issue d'une cuisine trigonométrique très 19ème siècle, éliminer ces angles de route.
En appelant C la correction Givry, c'est à dire l'angle à ajouter à la route loxodromique désignée par R, on obtient avec les mêmes notations que ci-dessus, l'égalité suivante:
tan(C) = tan(R).tan((lat2-lat1)/2).tan(lam).
On élimine alors R par la formule de la navigation à l'estime: tan(R) = ((lon2-lon1)/(lat2-lat1)).cos(lam).
Et en faisant l'hypothèse que la différence de latitude reste faible (angle égal à sa tangente), on obtient:
tan(C) = (1/2)(lon2-lon1).sin(lam).
Le résultat est remarquable de simplicité... et d'approximation comme le montre la figure ci-dessous:
en noir l'arc de cercle Givry, en vert l'orthodromie |
Embarquons sur le jet, dessiné en bleu dans les figures ci-dessous, qui part le 25 décembre à 14h de Londres pour Darwin (130.8 E, 12.4 S) en Australie, sans escale (!).
décollage à 14h00 UTC |
Au moment du départ il est 22h43 à Darwin et c'est la nuit la plus courte de l'année.
Le vol durera un peu plus de 17h. La distance orthodromique est de 13.850 km et elle permet d'économiser une heure de vol (770 km) sur la distance loxodromique.
La latitude du vertex est de 56.1°, soit 4.6° plus au nord que Londres, le cap de départ sera 63.8° (nord nord-est) et tout au long du voyage on aura l’identité sin(cap).cos(lat) = 0.558.
Il restera au pilote à tenir compte de la dérive due aux vents...
à 14h55 UTC le soleil se couche sur l'avion après 0h55 de vol, à Londres ce sera à 15h48, presqu'une heure plus tard. |
L'avion gagne en latitude et atteint le vertex à la latitude de 56.1° après 2h42 de vol.
La longitude de ce point est de 32.3°E, l'avion passera donc la ligne de l'équateur à la longitude 90 + 32.3 = 122.3°E. A ce moment, en vertu du lien entre cap et latitude, le cap sera égal à la latitude du vertex augmentée de 90°: 146.1°.
Moscou est survolé à 17h07 UTC: il est au sol 19h37.
19h35 UTC l'avion rencontre le méridien de changement de date locale |
0h15 UTC le soleil se lève sur l'avion, la nuit a duré 9h20, la précédente à Londres avait duré 16h20, il est 6h56 au sol |
atterrissage à 16h02 locales, il est 7h19 à Londres |
Pendant le vol qui a duré 17h19 les passagers ont vécu administrativement 26h02. L'excédent de 8h43 est égal au décalage horaire entre Londres et Darwin.
Le soleil se couchera à Darwin à 18h24, soit 9h39 UTC, c'est à dire une heure et demi après qu'il se soit levé à Londres: nuit et jour sont inversés...
créationnisme et darwinisme |
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