C'est l'une des milliards d'étoiles que compte notre Voie Lactée, qui n'est elle même que l'une des milliards de galaxies de l'univers. Son diamètre vaut cent fois celui de la terre et sa masse 330.000 fois la sienne. La masse de la planète bleue représente plus de mille milliards de fois celle de toute l'humanité et toi, lecteur, tu es à peine plus que le dixième du milliardième de cette humanité...
Nous sommes les "Enfants du Soleil" selon l'astronome André Brahic (1942/2016) et il nous aura fallu plus de quatre milliards d'années pour sortir de l'enfance. Aujourd'hui, si le soleil laisse notre planète subir les humeurs de ses habitants, il en gouverne encore l'orbite selon des lois (quasiment!) immuables. Le long de cette trajectoire elliptique décrite en 365.2422 jours à vitesse non uniforme, la terre tourne sur elle-même autour d'un axe polaire incliné de 23.44° sur l'orbite, cet axe étant lui-même animé d’une lente rotation complète en 26.000 ans. Vu depuis la terre tout cela fait quelque fois apparaitre un comportement capricieux attribué au soleil.
Johannes Kepler (1571/1630) a découvert en 1609, après de nombreuses années de calculs difficiles, que la trajectoire d'une planète est une ellipse dont le soleil est un foyer et qu'elle parcourt son orbite de telle façon que la surface balayée par le rayon qui la joint au soleil soit proportionnelle au temps (surfaces égales pendant des temps égaux).
C'est la loi des aires induite par la gravitation universelle, phénomène encore mystérieux. Voir à ce sujet l'article du présent blog intitulé "la découverte de l'organisation du système solaire: le génie de Kepler" en date du 01/05/2014.
la loi des aires en quatre figures |
En haut à gauche, en rouge, la surface balayée par la planète pendant un temps donné "t" depuis le périhélie. Soit a le grand axe de l'orbite, b son petit axe, e son excentricité (e = rac(1 - b^2 / a^2)). La distance du soleil au centre de l'orbite vaut a * e.
Le point T ' va donner la solution du calcul permettant de relier la position de la planète, c'est à dire la valeur de l'angle en rouge ayant pour sommet le soleil, au temps t (cet angle V a été désigné par Kepler par le terme "anomalie" qui veut dire "irrégulier").
En effet, la surface en rouge est proportionnelle à la surface en jaune de la figure du haut à droite, leur rapport étant égal à celui de la surface de l'ellipse à celle du cercle, soit à celui du petit axe au grand axe: b / a.
La figure du bas à gauche montre que cette surface en jaune est facile à calculer: c'est la différence entre le secteur circulaire périhélie / T 'et le triangle en bleu. L'angle du secteur a été appelé "anomalie excentrique", il est désigné ici par "E".
On a donc:
surface jaune = (pi * a^2) E / (2pi) - (a * e) . (a * sin(E)) / 2 = (a^2 / 2)(E - e * sin(E)) et surface rouge = (a * b)(E - e * sin(E)) / 2.
La surface complète de l'orbite vaut pi * a * b. Appelons "A" le temps mis par la planète pour balayer toute son orbite. Pendant le temps t la planète a donc parcouru une fraction de sa révolution égale à : (t / A) = (E - e * sin(E)) / (2pi).
On a donc l'équation E - e * sin(E) = t * (2pi / A). C'est l'équation de Kepler.
Elle est transcendante puisque figurent en même temps l'angle E et son sinus. C'est la première équation de ce type apparue historiquement dans les mathématiques.
La quantité t * (2pi / A) est l'angle qui serait parcouru par la planète pendant le temps t si elle se mouvait régulièrement, on l'appelle anomalie moyenne (ce qui constitue un oxymore!). On la désigne couramment par "M".
E = M + e * sin(E)
Ayant ainsi mis en équation la loi des aires en exprimant l'anomalie excentrique E en fonction du temps, il faut encore relier cette anomalie excentrique à l'anomalie (vraie), qui est le but du calcul.La figure du bas à droite montre que ce n'est pas un exercice de géométrie difficile en partant des coordonnées de la terre dans le repère xOy. On obtient les relations suivantes:
cos(V) = (cos(E) - e)/(1 - e * cosE), sin(V) = (b/a) * sin(E)/(1- e * cos(E)) et tan(V) = sin(E) * rac(1 - e^2) / (cos(E) - e).
Au passage, on obtient la longueur du rayon vecteur soleil-terre: r = a * (1-cos(E)).
Une cuisine trigonométrique donne la formule classique reliant les tangentes des angles-moitié:
tan(V / 2) = rac((1 + e) / (1 - 2)) * tan(E / 2). Cette formule était importante car elle permet d'obtenir un développement en série de V en fonction de E.
Le problème considérable qui reste est de résoudre l'équation de Kepler dont la solution ne peut pas être trouvée directement. On ne peut donc que procéder par itérations successives.
Cependant, Robert Bryant, astronome anglais, indique dans le numéro de novembre 1886 de la revue mensuelle de la Royal Astronomical Society une méthode expéditive basée sur le théorème d'inversion de Lagrange. La référence de cet article a été fournie par Monsieur Jean Meeus et son collègue Edwin Goffin.
Joseph
Louis Lagrange (1736/1813) a été l'un des plus grands mathématiciens du
siècle des Lumières. Il est né, italien, à Turin, ville qu'il a quittée
pour Berlin en 1766, à l'invitation du roi de Prusse Frédéric II (1712/1786). En
1787, après le décès de ce protecteur des Sciences, il a rejoint Paris où
il participa, notamment, à l'élaboration du système métrique avec
Lavoisier (1743/guillotiné en 1794). Lagrange a été naturalisé français
et est inhumé au Panthéon.
Le théorème d'inversion a été énoncé à l'Académie Royale des Sciences et Belles Lettres de Berlin en 1770.
Soit
une équation implicite du type y = x + a * f(y) où f(y) est une
fonction quelconque et "a" une constante suffisamment petite (il semble
que Lagrange n'ait pas reconnu cette précision nécessaire à la
convergence de son calcul).
Soit une autre fonction quelconque g(x).
Le théorème donne alors le développement en série de g(y) en fonction de x:
le premier terme est g(x) et le terme courant d'ordre k est le produit de (a^k / k!) par la dérivée d'ordre k-1 de ( f(x)^k . g'(x) ).
Le second terme est donc a * d(f(x) * g'(x)) et le troisième (a^2 / 2) * d( f(x)^2 * g'(x) ) / dx.
Soit une autre fonction quelconque g(x).
Le théorème donne alors le développement en série de g(y) en fonction de x:
le premier terme est g(x) et le terme courant d'ordre k est le produit de (a^k / k!) par la dérivée d'ordre k-1 de ( f(x)^k . g'(x) ).
Le second terme est donc a * d(f(x) * g'(x)) et le troisième (a^2 / 2) * d( f(x)^2 * g'(x) ) / dx.
Ce
théorème s'applique parfaitement à l'équation de Kepler en faisant y = E, x =
M, a = e, f(y) = sin(y). André Danjon (1890/1967) indique cependant que Laplace a
montré que les séries ne convergent pas toutes si e est supérieur à
0.66274.
Si on retient pour fonction g(x) l'identité on obtient: E = M + e * sin(M) + (e^2 / 2) * 2 * sin(M)cos(M) + (e^3 / 8)( 3 * sin(3M) - sin(M))+...
Ce résultat peut aussi être obtenu par la formule de Taylor, il n'a donc rien d'original.
Dans le cas où on peut se satisfaire d'une précision qui ne soit pas trop grande et où l'excentricité est faible, on néglige habituellement les termes de degré deux et plus.
Mais il y a bien mieux car on peut choisir la fonction g(x) de telle sorte que le terme du deuxième ordre disparaisse.
Son coefficient est égal à d(sin^2(x) * g'(x)) / dx. Il suffit donc de retenir pour g(x) la fonction cotangente dont la dérivée est -1/sin^2(x) pour que ce coefficient s'annule comme dérivée d'une constante.
On obtient ainsi cot(E) = cot(M) - e / sin(M) + 0 + (e^3 / 6) * sin(M) + ...
Ce résultat peut aussi être obtenu par la formule de Taylor, il n'a donc rien d'original.
Dans le cas où on peut se satisfaire d'une précision qui ne soit pas trop grande et où l'excentricité est faible, on néglige habituellement les termes de degré deux et plus.
Mais il y a bien mieux car on peut choisir la fonction g(x) de telle sorte que le terme du deuxième ordre disparaisse.
Son coefficient est égal à d(sin^2(x) * g'(x)) / dx. Il suffit donc de retenir pour g(x) la fonction cotangente dont la dérivée est -1/sin^2(x) pour que ce coefficient s'annule comme dérivée d'une constante.
On obtient ainsi cot(E) = cot(M) - e / sin(M) + 0 + (e^3 / 6) * sin(M) + ...
Si alors on peut négliger le terme du troisième ordre, on obtient, sans oblitérer la précision, une formule au deuxième ordre près qui est extraordinairement simple: cot(E) = cot(M) -e /sin(M) ou encore:
tan(E) = sin(M) / (cos(M) - e).
Cette formule est donnée dans l'excellent ouvrage de Jean Meeus "Calculs astronomiques pour amateurs" paru en 1986 et réédité en 2014 par la Société astronomique de France.
Pour la terre dont l'excentricité est de 0.016705, la précision est de 0.16 seconde d'arc. La précision s'abaisse à une seconde d'arc dés que l'excentricité dépasse 0.0307, ce qui est le cas de toutes les planètes visibles à l’œil nu sauf vénus. Il convient alors de tenir compte du terme du troisième ordre et, pour mars, de faire une itération en retenant comme valeur finale E' = M + e * sin(E).
En opérant ainsi pour la terre la précision monte à 0.00002 secondes d'arc!
La méthode n'est pas applicable à mercure.
Connaissant E on calcule l'anomalie vraie V. L'écart entre V et M est appelée équation du centre, "équation" signifiant alors petite quantité permettant une égalisation. Elle affecte la longitude du soleil.
En opérant ainsi pour la terre la précision monte à 0.00002 secondes d'arc!
La méthode n'est pas applicable à mercure.
Connaissant E on calcule l'anomalie vraie V. L'écart entre V et M est appelée équation du centre, "équation" signifiant alors petite quantité permettant une égalisation. Elle affecte la longitude du soleil.
en bleu, la terre quotidienne avec l'axe polaire et l'ellipse décrite en 365.2422 jours, en gris le cercle principal |
Sur la figure ci-dessus représentant l'écliptique, pour une meilleure compréhension, l'excentricité a été très exagérée, cependant périhélie et aphélie sont bien à leur place. Ce n'est pas le soleil qui détermine ni l'angle que fait l'axe polaire avec le plan de l'écliptique ni sa direction. Il influence ces paramètres et les fait varier très légèrement et régulièrement au cours des siècles mais, fondamentalement, il s'agit là de deux degrés de liberté de la terre.
Il se trouve que l'axe polaire n'est pas dans le plan perpendiculaire à l'orbite qui passe par l'axe principal de l'ellipse (ligne des apsides). En 2018 la terre passe au périhélie le 3 janvier et à l'aphélie le 6 juillet: saison et distance au soleil sont indépendantes.
En vertu de la loi des aires, à l'aphélie, la terre va moins vite (29.29km/s au lieu de 30.29km/s au périhélie), elle reste donc plus longtemps dans la partie de l'orbite correspondant à l'été et à l'automne: c'est l'inégalité des saisons.
Hiver: 89 jours, printemps: 92.81 jours, été: 93.62 jours, automne: 89.82 jours.
Une autre inégalité du soleil vu de la terre tient au fait que celle-ci tourne autour d'un axe incliné sur son orbite.
La figure ci-dessous montre la sphère céleste avec le cercle de l'équateur et celui du trajet du soleil, appelé écliptique.
longitude et ascension droite |
La longitude L du soleil se mesure le long de l'écliptique (en rouge) à partir du point vernal, son ascension droite A se mesure depuis le même point vernal mais le long de l'équateur céleste. Les deux axes des mesures font entre eux l'angle de l'obliquité (23.44°). Le lien entre ascension droite et longitude s'écrit tan(A) = cos(23.44) * tan(L). La déclinaison D est la hauteur de l'astre mesurée par rapport à l'équateur céleste. Déclinaison et longitude sont liées par la formule sin(D) = sin(23.44) * sin(L).
Il est clair sur la figure que l'évolution sur 20 jours de la position du soleil vu depuis la terre est fort différente selon que l'on se trouve au début ou à la fin du printemps. Pour la même variation de longitude de 20 degrés, du 20 mars au 9 avril l'ascension droite croît de 18.5° et du 31 mai au 21 juin de 21.6°. La déclinaison croît, elle, de 7.8° au début et de 23.44 - 21.9 = 1.54° seulement à la fin du printemps, à l'approche du solstice d'été, ce mot signifiant soleil stable. L'obliquité introduit donc une autre inégalité dans la marche quotidienne du soleil vu de la terre. On l'appelle réduction à l'équateur car elle transforme le mouvement sur l'écliptique en un mouvement horaire sur l'équateur. Sa valeur résulte de la formule des tangentes citée ci-dessus et peut se calculer par un développement en série classique.
Équation du centre et réduction à l'équateur se combinent pour donner l'équation du temps, écart horaire séparant l'ascension droite du soleil de celle d'un astre qui tournerait de manière uniforme autour de l'axe polaire (voir à ce sujet l'article du présent blog intitulé "l'équation du temps" en date du 06/06/2014).
Cet écart varie au cours de l'année entre +14m15s le 12 février et -16m25s le 4 novembre.
l'analemme ou courbe en huit de l'équation du temps |
En un lieu de latitude géographique notée lat, l'angle horaire H du lever, ou du coucher, d'un astre quelconque (et notamment du soleil) dépend de sa déclinaison selon la formule cos(H) = - tan(lat) * tan(D). Il dépend donc fondamentalement de sa longitude par la formule des sinus citée plus haut.
L'équation du temps a donc des répercussions sur l'écoulement des jours et des nuits: les heures de lever et de coucher du soleil varient suivant l'anomalie du soleil et sa déclinaison.
les heures des levers et couchers du soleil tout au long de l'année |
Le graphique, calculé pour un lieu de latitude 47°, présente dans sa partie centrale, en jaune clair la période d'ensoleillement et en bleu clair la nuit. Les courbes, avec une couleur par saison, qui séparent les deux zones sont les heures de lever et de coucher du soleil. On parle ici en heure solaire locale et il n'est pas tenu compte de l'incidence de l'éventuelle heure d'été qui est artificielle.
On constate une dissymétrie par rapport à la ligne de midi entre lever et coucher et un étranglement pour les levers de l'hiver et les couchers de l'automne.
Le premier jour de l'année, dix jours après le solstice d'hiver, est celui où le lever est le plus tardif, à 7h45. Le lever le plus précoce a lieu le 17 juin, quatre jours avant le solstice d'été, à 4h4.
Le 12 décembre, neuf jours avant le solstice d'hiver, est le jour où le coucher est le plus tôt à 16h10. Le coucher le plus tardif intervient le 26 juin, cinq jours après le solstice d'été, à 19h59.
La courbe d'allure sinusoïdale en bleu représente l'équation du temps, celle en gris en est la dérivée et donne la durée du jour entre deux passages plein sud successifs et celle en rouge partage en deux l'ensoleillement du jour.
Pour les jours correspondant aux minima et maxima de l'équation du temps, là où la dérivée de l'équation du temps s'annule, soit les 12 février, 13 mai, 26 juillet et 4 novembre, la durée entre deux passages successifs plein sud, est exactement 24h00m00s. Pour les autres jours cette durée n'est pas de 24h. Le record du jour le plus long, 24h+29.9s, revient au 22 décembre alors que celui du jour le plus court 24h-21.1s est pour le 17 septembre.
Les jours où l'équation du temps s’annule, soit les 16 avril, 13 juin, 1er septembre et 25 décembre la durée du matin est égale à celle de l'après midi. Pour tout autre jour il y a partage inégal: le 4 novembre par exemple la matinée dure 16minutes de plus que l'après midi et c'est l'inverse le 12 février pour 14minutes.
en pliant l'année autour des solstices les caprices du soleil sont flagrants |
La figure ci-dessus est la même que la précédente mais on a superposé les deux moitiés de l'année pour faire mieux apparaître l'influence de l'anomalie du soleil.
Ces subtilités de la marche de notre étoile laissent généralement insensible le quidam, mais un observateur attentif muni d'une horloge de bonne précision peut les mettre en évidence.
Il pourra ainsi apprécier les caprices du soleil!
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